La réalisatrice Cherien Dabis fait tourner l'actrice Cherien Dabis. Voilà qui est économique. Et puis, elle est jolie, et elle sait se mettre en valeur.... Pour redevenir sérieux, cette jeune femme a du talent, et des choses à raconter. Américano -palestinienne (vous imaginez le grand écart!), elle nous parle de ses racines, de nos racines, et c'est bien intéressant, même si pour May in the Summer, son propos aurait gagné à être plus resserré, plus recentré. Vous vous souvenez d'Amerikka: le rêve américain d'une palestinienne coincée dans les territoires occupés.
Ici, l'héroïne et ses deux sœurs sont de vraies américano-palestiniennes, puisqu'elles sont nées de la grande passion entre leur mère Nadine, une chrétienne (notre chère Hiam Abbas, toujours là lorsque l'on parle de Palestine) et un américain, Edward (Bill Pullman). Mais Edward était volage (et Nadine, probablement assez emmerdante). Après s'être jeté beaucoup d'assiettes à la tête, le couple a divorcé. Edward s'est remarié avec une jeunesse, une ravissante indienne, mais pour Nadine, qui ne reconnait pas le divorce, les choses ne sont pas si simples. Nadine est bigote; comme de plus elle est évangéliste, c'est de la bigoterie militante mais aucune des trois filles n'est pratiquante, ni même croyante. Comme cela se passe dans beaucoup de famille chez nous, quoi!
May vit aux Etats Unis. Elle est universitaire, brillante, elle a écrit un premier livre -sur les proverbes- qui a eu du succès. Et elle est fiancée; Ziad (Alexander Siddig) est lui aussi universitaire, économiste reconnu, et sa famille vit à Amman, comme Nadine. Le couple rentre donc en Jordanie pour se marier (d'abord May, Ziad a encore des cours à assurer) -faire un grand mariage traditionnel. Ziad n'est pas plus croyant que May, mais lui vient d'une famille musulmane, et ça suffit pour consterner le milieu chrétien. "Que tu le veuilles ou non, tes enfants seront musulmans, et si vous divorcez, tu n'auras aucun droit sur eux", lui assène t-on.
May retrouve sa famille, quatre femmes sous le même toit, ça passe son temps à se houspiller et remâcher de vieilles histoires. Nadine est aigrie; elle n'assistera pas au mariage; et pour les deux petites sœurs, ce n'est pas la joie. Jasmine (Nadine Malouf) a perdu son travail; la petite sœur, Dalia (Alia Shawkat), est un tomboy grincheux, systématiquement hostile à tout. Peut être bien est elle lesbienne, au fond. May s'occupe des préparatifs du mariage -robe, déco.....- avec sa future belle mère, qui n'a pas l'air plus gênée que ça de voir son fils épouser une chrétienne athée. C'est cela qui est très intéressant, dans la description de ce milieu: à la fois (comme au Liban), une grande tolérance des uns pour les autres -et en même temps, des frontières hermétiques entre les deux confessions.
Les filles, bien remontées, revoient leur père (celui qui les a abandonnées) et sa nouvelle compagne. Force est, pour May, de constater qu'une relecture unilatérale d'une histoire familiale n'est pas nécessairement la meilleure...
May est une vraie américaine. Elle fait son footing en short et quand elle subit les propos salaces de jeunes arabes, elle court après leur voiture, tape dans la carrosserie "Espèces de crétins, vous n'avez jamais vu de jambes?". Et en même temps, en retrouvant son terreau, elle perd tous ses repères. Que veut elle vraiment? Epouser Ziad, être dans un pays étranger un couple de brillants universitaires, devenir un écrivain célèbre? En quittant les Etats Unis, elle était sûre de vouloir cela. En Jordanie, elle ne sait plus....
Elle passe une nuit, accompagnée d'un ami, dans un endroit totalement sublime. Je ne sais pas si c'est le Wadi Rum, mais ça ressemble. Des formations rocheuses sauvages au milieu d'un sable rouge. Quelques dromadaires pour seule vie.... De ces lieux qui font renaître l'essentiel d'un être.
Ce qui va vous surprendre, c'est qu'à Amman il y a des bars où des jeunes filles minijupées peuvent s'asseoir pour commander un whisky. Des plages sur la mer Morte (les sœurs l'ont emmenée "enterrer sa vie de jeune fille") où on prend un bain de soleil en itsi-bitsi tout petit bikini. Gavés de photos des pays du Golfe les plus rétrogrades, on a oublié qu'il y a -mais pour combien de temps?- des pays du Moyen Orient "normaux", où la censure islamique n'a pas encore jeté sa chape de plomb. Gavé des déclarations du Hammas, on a perdu de vue les vrais palestiniens..
Sociologiquement passionnant, le film souffre malheureusement de sa trame romanesque un peu trop lâche. Mais il est à voir. Vous ne le regretterez pas.