"The Man in the Moon" / "Un été en Louisiane" [1991] est décidément l'un des plus beaux films du new-yorkais Robert MULLIGAN (1925-2008)... et fut malheureusement son dernier. On y retrouvera la patte d'un solide artisan et toute la magie mélancolique déjà présentes, successivement, dans : "To kill a Mockingbird" / "Du Silence et des ombres" [1957] (adapté de "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur", ce beau Classique de Mrs Harper Lee), "The Stalking Moon"/L'Homme sauvage" [1969] (un des meilleurs rôles pour Gregory Peck, à la mesure du précédent), "Summer of 42"/"Un été 42" [1971] (modeste et inoubliable "love story" adolescente, d'après un roman de Hermann Raucher, magnifiée par la partition de Michel Legrand), "The Other"/ "L'Autre" [1972] (chef d'oeuvre gothique situé dans les années 1920, d'après le roman psychologique de Thomas Tryon, Classique moderne lui aussi... ) puis "The Nickel Ride" [1974] (une histoire très nostalgique d'un caïd perdant pied dans son "Milieu" new-yorkais)... Une sorte de quintessence de ces cinq films, au fond ! L'apparition solaire de la jeune Reese Witherspoon en ado râleuse (mâcheuse de chewing-gum, de surcroît) lancera la carrière de la future actrice de "Walk the Line" [2005] de James Mangold et de "Water for Elephants" / "De l'eau pour les éléphants" [2011] de Francis LAWRENCE. Et ce "The Man in the Moon" de conte de fées, au fait ? C'est beau, tendre et inspiré, tragique aussi... La mise-en-scène respire le beau classicisme propre à Mulligan, l'harmonie et les lumières dorées des rives de rivière... Bon, puisque je vois que ces damnés humanoïdes ou autres autres robots-modérateurs de "Allo Ciné" n'arrivent point à valider mes deux critiques "pro-mulliganiennes" précédentes (coincées en leurs Limbes d'éternelle "attente de publication") concernant "The Other" et de "The Nickel Ride" (ces deux autres chefs d'oeuvre de Mulligan), m'en vas immédiatement vous les reproduire ICI-MEME, eh tiens !!! :-) //// [1°] "The Other"/"L'Autre" [1972] de Robert MULLIGAN est assurément un très, très grand film. Disons qu'il est - au moins - l'égal du "Nosferatu" [1922] de Friedrich-Wilhelm MURNAU, de "Cat People"/La Féline" [1942] et de "I walked with a zombie"/"Vaudou" [1943] de Jacques TOURNEUR, de "The Night of the Hunter"/"La Nuit du Chasseur" [1955] de Charles LAUGHTON, de "Psycho"/"Psychose" [1960] d'Alfred HITCHCOCK (en les transcendant presque tous) - et annonce aussi bien le remarquable "Halloween"/"La Nuit des Masques" [1978] de John CARPENTER, le très subtil "A Tale of Two Sisters/"2 soeurs" [2003] de Kim JEE-WOON, le renversant "Get Out" [2007],de Jordan PEELE, le troublant "It Follows" [2014] de David Robert MITCHELL, voire même l'inoubliable "Joker" [2019] de Todd PHILLIPS - à la plasticité d'un classicisme innovateur, tout pareillement inoubliable. Car l'aspect artistique n'est pas pour rien dans la réussite de "The Other" : Mulligan était d'abord un formidable directeur d'acteurs (et on se souvient de son trio de gamins dans son "Du silence et des ombres"), son directeur photographique Robert L. Surtees a livré des images aux tonalités tour-à-tour estivales (bucolique solaire) et "gothique" (on note l'utilisation somptueuse des complémentaires jaune et bleue dans "The Other" en 1972 ; viendra le règne des oranges et des verts dans le "Joker" de 2017), séquences soleil/ténèbres parfaitement articulées et d'un impact redoutable ; le scénario de Thomas TRYON tiré de son propre roman est d'une stupéfiante audace ; ajoutons-y la partition sifflée puis orchestrale de Jimmy Goldsmith qui résonne dans notre souvenir tout comme l'harmonica de la b.o. d'Ennio Morricone pour "Il était une fois dans l'Ouest" de Sergio LEONE. Les jumeaux Chris et Martin Udvarnoky furent des acteurs enfants exceptionnels, Uta Hagen en maîtresse du "Great Game" a une présence exceptionnelle, Diana Muldaur restera à jamais cette mère au regard perdu... "L'Autre" est entièrement baigné d'un clair obscur digne des toiles des frères Le Nain. Mulligan fut un Maître... Un artiste dont la modestie, le savoir-faire et l'éclectisme ont produit une Oeuvre solide par sa forte cohérence thématique (abyssales ambigüités de cette grande énigme qu'est l'être humain) mais aussi très inégale (citons "Inside Daisy Clover" [1965], qui a particulièrement mal vieilli - exemple de partiel ratage sans doute dû au jeu très "daté" de l'actrice Natalie Wood surjouant l'adolescence et visiblement laissée ici en roue libre par son réalisateur... ). On se souviendra d'abord de "To kill a Mockingbird"/"Du silence et des ombres" [1957] : à la fois film majeur et très brillante adaptation du chef d'oeuvre romanesque de Harper LEE... On évoquera aussi "The Stalking Moon" /"L'Homme sauvage" [1968], western profondément original mettant en scène l'affrontement entre l'intériorité de ses quatre principaux personnages. On évoquera encore le très méconnu et si crépusculaire "The Nickel Ride" [1973] qui à lui seul annonce les chefs d'oeuvre de Martin SCORSESE ("Taxi Driver"), Francis Ford COPPOLA ("The Godfather", I et II), Abel FERRARA ("King of New York") et Brian DE PALMA ("Scarface")... Enfin, "The Man in the Moon"/"Un été en Louisiane" [1991] sera un nouveau chant du cygne concluant brillamment la carrière de ce réalisateur curieusement oublié du grand public. //// [2°] "The Nickel Ride" [1974] de Robert MULLIGAN est d'abord un très beau souvenir personnel. Il fit suite, dans la carrière du tranquille Mulligan, au terrifiant et troublant "The Other" [1972]. La très simple et pathétique histoire de "L'homme aux clefs", ce personnage régentant les rapports entre la mafia et la police de son quartier de New York... Signalons que ce film crépusculaire méconnu - au climat très nostalgique - semble le frère jumeau de "The Godfather - Part II" [1974] de Francis Ford COPPOLA...et préfigure à la fois le très stylisé "Taxi Driver" [1976] de Martin SCORSESE, le tonitruant "Scarface" [1983] de Brian DE PALMA et les splendeurs visuelles de "King of New York" d'Abel FERRARA [1990] - autant de trajectoires fulgurantes et de destinées tragiques. Cooper exerce paisiblement ses fonctions de "régulateur" sur le fief de ces quelques ruelles familières - là où il a toujours vécu. Sans doute a-t-il fait son temps ? Il ne le sait pas encore... Prenant peu à peu conscience qu'un voyou ricanant - un nommé Turner - le menace. La lutte semble inégale. Ses affidés - lieutenants qu'il considérait comme des "amis" - peu à peu le trahissent. L'ancien monde se fissure et s'écroule sous la pression irrésistible du "renouveau" (que l'on devine bien pire). La séquence se déroulant entre Cooper et sa petite amie Sarah dans une forêt automnale de Nouvelle-Angleterre, comme une oasis, un répit de bonheur avant le drame... La course du Destin, irrésistible : notre "héros" finira dans une poubelle. Rendons grâce ici au formidable Jason Miller, incarnant l'infortuné Cooper - mais aussi à Linda Haynes (Sarah), Victor French (Paddie), John Hillerman (Carl), Bo Hopkins (Turner), Richard Evans (Bobby), Bart Burns (Elias) et Lou Frizzell (Paulie) - tous remarquablement dirigés par Mulligan. "The Nickel Ride" reste ce film en cinémascope de 1 h 50, d'une grande maîtrise formelle (formidable photographie de Jordan Cronenweth !) et scénaristique (bravo à Eric Roth !) qui mériterait amplement - dûment remastérisé - sa résurrection en Blu-Ray/DVD... Rappelons que Robert MULLIGAN a reçu pour ce film en tant que réalisateur pas moins de 4 nominations au Festival de Cannes, cuvée 1974 : "Grand Prix", "Prix du Jury", "Prix du Jury Oecuménique", "Grand Prix International du Festival"...