Derrière une allure anodine, ce film focalisé sur l’absurdité des rapports humains illustre un certain malaise allemand (du moins sous l'éclairage du fascisme passé, car il pourrait aussi être transposé en France). Soutenu par le choix d'une esthétique noir-et-blanc, il se déroule en toute fluidité, baigné de sonorités jazzy. Le sujet central consiste à mettre en avant l'absurdité de situations de la vie et des institutions qui l'administrent, l'illusion de la communication rationnelle, l'entre-choc des individualités, l'enfermement des subjectivités dans leur monde, la dimension tragique de leur impuissance et ceci, à travers une tranche de vie d'un jeune Berlinois, incapable de construire quoi que ce soit, entraîné ici et là malgré lui et qui se réfugie, quelque peu déprimé et mutique, dans l'alcool-cigarette (faute de café)... Plutôt pessimiste en son fond, le film brosse aussi une critique de l'embourgeoisement d'une ville en plongée libérale, de l'esprit de surveillance et d'inspection de la vie des autres, de l'esprit bobo prétentieux et moraliste, de la mentalité machiniste, bref tout ce qui concoure à briser ou du moins cisailler l'image du soi-disant modèle de réussite allemand. Alors que la culture du pays apprend à évoluer dans la plus claire rationalité, le film révèle ici un paradoxe: à trop se couper du sentiment d'autrui au nom de principes, à trop refuser de considérer l'autre à part, dans son individualité propre, à trop considérer son propre regard comme le centre du monde, l'entente et la compréhension entre les gens sont devenues artificielles, aliénantes et le rapport humain réel s'avère donc impossible. Mêlé de dépression romantique, ce Weltanschauung à la froideur rationaliste bon teint a pour résultat un mépris pathologique des subjectivités, chacune enfermée dans un égocentrisme bien-pensant. Artistiquement, OH BOY s'inscrit en plein dans la lignée du Théâtre de l'absurde et le renouvelle, en y réinsufflant une force pertinente. Parcouru d'un humour réjouissant et d'une certaine mélancolie en errance, on peut néanmoins en regretter parfois l'excès de visée démonstrative, des portraits psychotiques un peu trop appuyés malgré la cohérence globale
et une fin évidemment... absurde
. Pour un premier long (réalisé par Jan Ole Gerster), c'est du bon.