La saga "Alien" a beau être culte, je n’y ais jamais totalement adhéré… ne serait-ce qu’en raison du caractère intrinsèquement limité de cet univers. Certes, j’ai, dans l’ensemble, bien aimé les épisodes de la quadrilogie originale (avec une mention spéciale au "Aliens" de James Cameron) mais pas au point de crier au génie. C’est sans doute la raison pour laquelle je fais partie de ceux qui ont apprécié "Prometheus", là où les fans hardcore hurlaient au crime de lèse-majesté… par le créateur lui-même de surcroît ! Il faut dire que la promo du film était obscur et que sa reprise en main scénaristique en cours de route a été source de bien des frustrations. Pour "Alien Covenant", la donne est légèrement différente. Tout d’abord, le film se revendique clairement comme une suite de "Promotheus" et un prequel du "Alien" original (là où "Prometheus" se montrait plus ambigu, pour ne pas dire plus hypocrite, sur sa filiation avec "Alien"). En résulte une volonté des producteurs de satisfaire les mécontents de l’opus précédent en revenant aux bases du mythe… quitte à faire dans le copié-collé sans grand intérêt. On retrouve, donc,
la mission dans l’espace, avec son équipage qui se réveille d’une longue période d’hibernation, le message de détresse qui va faire dévier le vaisseau de sa mission, l’héroïne limite androgyne qui finira assez peu vêtue, l’androïde belliqueux, les attaques de facehuggers
…. Il semblerait que le précédent "Le Réveil de la Force" n’ait pas encouragé les scénaristes à faire la différence entre "retour aux sources" et "pompage en règle". On retrouve, également, une ambiance et une photo beaucoup plus sombre que dans "Promotheus" (où l’image était superbe) et, plus généralement, à une direction artistique qui lorgne ouvertement du côté du "Alien" de 1979. L’originalité ne semble, dès lors, pas le souci premier de cette "suite-prequel-remake" qui ne s’assume pas… mais qui, paradoxalement, fait la blague pendant le premier tiers. En effet, le manque de renouveau est vaguement compensé par une maîtrise technique et une sensation, pas forcément désagréable, d’être en terrain connu... avec cette promesse implicite d’en apprendre plus sur la genèse de la saga ! On accepte, à ce titre, de ne pas se montrer trop exigeant sur certaines incohérences (à commencer par la technologie bien plus high-tech que dans "Alien", pourtant censé se dérouler plus tard !), sur certains choix
(mais pourquoi avoir casté James Franco pour le tuer dès le début avant qu'il n'ait pu prononcer un mot ?)
et sur les décisions souvent débiles des personnages
(comment une chanson peut-elle amener un capitaine à mettre en péril une mission ?)
. La rencontre de l’équipage avec le David de "Prometheus" (filmée de manière un peu grotesque) marque, cependant, un virage scénaristique qui dévoile les intentions réelles de Ridley Scott avec ce film… et dénonce, en même temps, ses limites. Le réalisateur n’est pas tant intéressé par un énième "film de monstres" que par un questionnement hautement philosophique sur la Création. C’est surement la raison pour laquelle il a tendance à expédier un peu facilement les scènes d’affrontement avec les différents monstres, qui n’apportent rien de vraiment novateur, voir qui commettent d’invraisemblables erreurs (comme celle, inimaginable, de montrer le xénomorphe en plein jour et sous une forme entièrement numérique… ce qui n’est guère propice à la terreur subtile à laquelle on est habitué). Idem pour le soin, assez relatif, qu’il a apporté aux victimes potentielles, qui ne brillent pas par leur épaisseur et n’éblouissent pas par leur interprétation (Katherine Waterston et sa moue apeurée font pâle figure à côté de la légendaire Ripley, Billy Crudup campe le lâche de service, Danny McBride et Demian Bichir assurent le minimum syndical et le reste du casting s’oublie très vite). A l’inverse, Ridley Scott s’appesantit longuement sur ses deux personnages fétiches, les androïdes David et Walter, tous deux campés par l’excellent Michael Fassbender. David se pose visiblement beaucoup de question sur lui-même
(réflexion amorcée dans l‘opus précédent et rappelé dès la scène d’intro avec le retour de Guy Pearce en créateur misanthrope)
et pousse ses envies de réponses assez loin
puisque l’on découvre que c’est lui qui est à l’organe de la création de l’Alien, tel qu’il apparaît dans le film d’origine
. Quant à Walter, il représente le double 2.0 (comprendre "débarrassé de ses défauts humains de la version précédente") de David, permettant de pousser un peu plus loin le propos de Scott sur la Création et ses conséquences (via les différences entre les deux androïdes)…
et accessoirement, de se ménager un cliffhanger hautement prévisible
! Les relations entre les deux personnages ne manquent pas d’intérêt et la scène, désormais culte (de par son caractère éminemment sexuel) de la flûte enfonce le clou de l’obsession de David, ce qui nous éclaire sur ses motivations. Pour autant, tous les développements autour de ce personnage donnent une impression de "cache-misère" ou, à tout le moins, de tentative d’intellectualiser un univers dont il est rappelé qu’il s’agissait, à l’origine, d’une série B de luxe ! Non pas que cette tentative ne soit pas louable (au contraire même) mais, malheureusement, le traitement très premier degré de Ridley Scott se marie assez mal avec le ton horrifique, voire fun par moments, du film. "Alien Covenant" s’avère, dès lors, être une création hybride (un peu à la manière du xénomorphe, du reste) qui cumule les amorces intéressantes mais qui peine à trouver le ton juste… au point de se vautrer dans la facilité lorsque l’adversité est trop forte (voir, entre autres choses, le retour pas vraiment inattendu du monstre après le départ de la planète). Les critiques dont il a fait l’objet m’apparaissent, du coup, moins injustes que celles qui avaient frappées "Prometheus", même si, une fois encore, il serait dommage d’oublier les qualités du film, qui se regarde, malgré tout, très gentiment et réserve, surtout, quelques séquences visuellement très impressionnantes,
comme celles de l’anéantissement des Ingénieurs par David ou la révélation du sort de l’autre suivante de "Prometheus", Elizabeth Shaw (Noomi Rapace).