Green Inferno est nettement moins épouvantable que le vieux film 'Cannibal Holocaust' dont il se réclame le successeur... Et que Hostel, du même Eli Roth. Sans qu'il ne soit réellement mauvais, c'est donc quand-même à mes yeux un double-échec pour ce réalisateur.
...L'image, même si de qualité, est trop léchée pour être réaliste, tandis que celle des vieux films de cannibals avait quelque-chose d'artisanale, de légèrement désaturée, boueuse et tremblotante qui la rendait autrement plus "vraie" et immersive. "The Green Inferno" ? C'est beau, mais trop coloré ; Comme un emballage en plastique un peu trop voyant et trop lisse.
C'est vrai aussi bien pour le décors que pour les scènes gores, certes outrancières à l'image des films dont Roth s'inspire, mais qui donnent surtout cette vague impression de voir des playmobiles se faire démembrer : La pénombre verdâtre, rouillée et tâchée des sous-sols de Hostel se prêtait d'avantage à l'exercice - Ici, la lumière crue, loin de rendre les choses plus horribles, ne parvient jamais à restituer l'horreur que l'on peut ressentir en voyant les cadavres s'aligner dans les hautes herbes d'autres films un peu plus intimistes : Le Gore, ici, est "artistique", gras et indigeste, de bonnes grosses tâches de ketchup filmées de trop près : On n'y croit pas ; Loin de provoquer l'épouvante, on assiste à un slasher somme toute assez classique... Au fond de la jungle. et encore... "Dans un petit village sympa d'indigènes" serait plus juste !
Car, en effet, concernant la jungle, la façon dont elle est filmée ne la rends en rien angoissante - Si on excepte la scène d'intro en survol qui rends un peu gloire à la beauté de la forêt, mais à peine, et pas vraiment de façon angoissante, Eli Roth aurait presque pu filmer tout ça en se contenant de quelques plantes en plastique bien vertes dans un supermarché ou un parc d'attraction...
A aucun moment le ciel ne semble "mangé" par des enchevêtrements de lianes empoisonnées qui plongeraient dans une eau boueuse infestée de piranhas : A l'image du reste, c'est trop "propre", trop net, presqu'aussi synthétique que la 3D d'un Jurassic Park...
Moi qui passe un peu de temps en forêt, ce que j'ai vu là, c'est un film de citadin, un citadin extrêmement doué lorsqu'il s'agissait de signer l'excellentissime Hostel, mais pas du tout en osmose avec la vie sauvage, et qui ose à peine filmer la lisère de la jungle en appelant ça un "enfer".
...Même "Cabin Fever" semblait se dérouler dans une forêt plus menaçante que celle-là !!!
Récemment, j'ai vu "The Dead Lands" qui exploitait beaucoup mieux son environnement et parvenait d'avantage à l'image à en restituer le côté sauvage, voire la menace intrinsèque : Il y aurait pourtant eu tellement d'occasion, dans "The Green Inferno" de faire de la caméra au poing lors des poursuites, en dévalant des pentes boueuses, en marchant à quatre pattes sous des troncs abattus par la pluie, en voyant les protagonistes paniqués se couper contre les feuilles en les écartant du revers de la main, se blesser en posant mal les pieds au sol, etc... Mais non : Ce film, pourtant filmé sur place, fait faux, "cosmétique".
Ce n'était pas la peine d'aller aussi profond dans la jungle pour tourner... ça.
...Du coup, ce film n'a à aucun moment suscité l'épouvante chez moi ; j'avais peur qu'il le fasse ( je suis un grand sensible, et Eli Roth a parfois su me plonger dans de légères torpeurs ), mais finalement qu'il ne l'ait pas fait une seule seconde m'a déçu. Pourquoi regarder un film de ce genre, si ce n'est pas pour se ficher une frousse de tous les diables ? Au lieu de ça, on a droit à quelques blagues potaches qui viennent gâcher les tentatives déjà mal amorcées d'épouvanter, et ça sans même réussir à être complètement drôles : A la limite, il aurait fallu assumer carrément le pastiche, à ce niveau-là !
"Cannibal Holocaust" m'avait épouvanté en profondeur, celui-là m'a paru ennuyeux, et raté sur tous les plans : L'esthétique trop superficielle et le manque de réalisme, donc, mais aussi des personnages peu crédibles car aussi superficiels que le film lui-même : On peut certes trouver des travers chez les activistes, mais être aussi cruches au point qu'on ne se renseigne pas sur le pays où on va et ce qu'il s'y passe réellement, tandis qu'on est capables quand-même de traverser la planète pour se mettre en face de fusils mitrailleurs et risquer sa vie... Y a quelque-chose qui colle pas.
Faut vraiment soi-même être un cynique qui ne s'est jamais engagé dans aucune cause pour dépeindre ainsi, sans demi-teintes, des activistes "petits bourgeois inconscients ultra-connectés et superficiels" :
Je ne nie pas que cela existe, je dis juste que ce n'est pas aussi grossier et superficiel que ce que présente la vision de l'auteur. Dommage, car s'il avait su mieux vendre le bon fond et le courage de d'avantage de ses personnages, non seulement leurs travers qu'il dépeint auraient eu l'air plus crédibles,e t donc intéressants, mais en plus ça aurait rendu l'ironie dont ils sont frappés moins acceptable... Et donc plus épouvantable encore. Ici, Eli Roth rit de sa blague avant qu'elle ne soit finie...
Il y avait de l'idée, mais au final c'est juste grotesque.
Seules quelques scènes semblent marquer que derrière toute cette indigence il y a bien un réalisateur hors-norme capable de faire des belles choses ; Mais, contrairement à leur profusion dans Hostel, ici elles sont rares, et c'est très insuffisant pour ne pas s'ennuyer un peu.
Les acteurs américains sauvent un peu le film, surtout l'actrice principale, qui, au-delà de son charme manifeste, joue réellement très bien ( dans ce film, en tout cas, où je la vois pour la première fois )... Mais ça s'arrête là. A vrai dire, les autochtones ne font pas peur du tout, et jouent mal, mais on peut difficilement le leur reprocher.
Un film de genre médiocre, au regard de ce qui a déjà été fait sur le sujet, et médiocre au regard des capacités d'Eli Roth. Divertissant, mais quand-même un gros double échec à mes yeux, donc.