Pour son dernier long-métrage, Alain Resnais (décédé le 1er mars 2014) a reçu à Berlin le prix Alfred Bauer qui récompense un film ouvrant de "nouvelles perspectives". C'est pourtant, malheureusement, son film le moins surprenant et le moins novateur depuis longtemps. Après Smoking/No Smoking et Coeurs, le cinéaste s'est replongé dans le répertoire du dramaturge Alan Ayckbourn pour adapter The Life of Riley, qui n'est probablement pas sa meilleure pièce... Resnais en a tiré un film qui est loin d'atteindre l'originalité et la profondeur de Smoking/No Smoking, ou la pertinence de Coeurs. On est ici dans un vaudeville british où il est question de couples en crise, d'adultères ou de désirs d'adultère, de jalousies... L'intrigue est centrée sur un personnage de séducteur malade et soi-disant mourant, George, que l'on ne voit jamais à l'écran (cette présence-absence rappelle par ailleurs celle de "l'héroïne" d'un film de Mankiewicz, Chaînes conjugales). Le réalisateur orchestre tout cela avec, certes, une habile gestion du hors-champ, une belle direction d'acteurs, mais il recycle l'ambiance "toiles peintes et cartons-pâtes" de Smoking/No Smoking, ainsi que la kitscherie visuelle de ses derniers films. Une kitscherie assumée mais surannée et franchement laide parfois, comme en témoigne cette répétition de gros plans sur un même fond blanc rayé de noir.
Aimer, boire et chanter est donc une nouvelle variation de théâtre filmé, mais moins complexe, moins riche en mises en abyme que Vous n'avez encore rien vu. Le film perd aussi en fantaisie et en développement ludique, au point que l'on peut trouver le temps un peu long... Reste que l'on a toujours plaisir à voir les acteurs s'amuser ensemble : Sabine Azéma, Michel Vuillermoz, André Dussollier (trois fidèles du cinéaste), Hippolyte Girardot (apparu précédemment dans Vous n'avez encore rien vu), Caroline Silhol (qui fut dirigée par Resnais dans I Want to Go Home) et Sandrine Kiberlain, nouvelle venue dans cet univers. Ces deux dernières actrices sont d'ailleurs celles qui apportent le plus de fraîcheur et de naturel à un film pour le moins artificiel. Quant à la morale du récit qui se conclut, comme Vous n'avez encore rien vu, par un enterrement, elle est touchante en ce sens qu'elle célèbre la joie de vivre et le plaisir d'aimer, comme un défi au conformisme et au qu'en dira-t-on. Voilà qui est à l'image de la personnalité de Resnais et de la philosophie qui a guidé toute sa carrière.