Bon eh bien voilà, pour la dernière fois on aura vu au cinéma le célèbre « réalisation : Alain Resnais ». Forcément ce film a un goût particulier. Ce n’est pas comme avec les deux derniers, où on pouvait espérer prendre encore du plaisir avec un nouveau film. Mais bon, heureusement je n’ai pas vu tous ses films et je pourrai continuer à en voir de nouveaux, ça me réconforte un peu. Parce que Resnais c’est quand même un petit génie, c’est un peu l’âme du cinéma français depuis 60 ans, je pense qu’il ne mourra jamais vraiment dans nos esprits. Pour ce film, forcément, j’attendais quelque chose d’exceptionnel pour finir en beauté, un film au moins aussi bien que Les Herbes folles qui, il faut le dire, était un putain de film de malade ! Alors à l’instar du film précédent, ce n’est pas à la hauteur des Herbes folles, mais putain ça reste vachement bien quand même !
Là où Vous n’avez encore rien vu était de l’ordre de la tragédie mise en scène assez génialement, ici c’est clairement plus sur un ton comique que le film se base. Ça ne me pose aucun problème, car j’aime beaucoup les drames de Resnais comme Hiroshima mon amour qui est un très beau film, mais j’aime peut-être plus encore le Resnais léger et drôle d’On Connaît la chanson (et de bien d’autres). C’est à chaque fois d’une grande inventivité et ça te laisse tout le long avec un putain de sourire que n’aurait pas renié Hugo. Et là c’est pareil, c’est toujours très drôle, très bien écrit, Resnais a toujours autant de talent pour brosser le portrait de tout un tas de personnages. On a trois couples, tous assez différents, mais aucun n’a plus d’importance que les autres (même si le cas du couple Kiberlain/Dussolier est assez particulier). Comme dans On Connaît la chanson il passe d’un personnage à l’autre, s’intéresse aux uns et aux autres, imbrique les récits les uns dans les autres ce qui crée des situations assez énormes tout en étant très simple et très fluide. C’est aussi ça qui caractérise ce film, sa simplicité. J’ai trouvé le début extraordinaire, ces travellings dans la ville de York, ça rappelle beaucoup le tout début des Herbes folles. Manquait plus que la voix de Baer et c’était bon, on y était. Il nous transporte dans cet univers anglais et théâtral. Et la simplicité elle est partout, dans les décors qui sont admirablement pensés, c’est un décor de théâtre et on n’a pas besoin de plus, dans la mise en scène qui est très sobre, nous spectateurs on n’a plus qu’à regarder ces gens, écouter les dialogues et rire. Je pense à une scène après l’annonce du cancer où tous se réunissent et où juste avec la lumière qui met les acteurs dans l’ombre la situation est créée, ou au « interludes » d’acteurs avec un fond blanc (qui sont parfois émouvants), ou encore avec ces dessins qui font les transitions entre les lieux. Ce sont des idées toutes connes, toutes simples mais qui rendent merveilleusement bien. Tout ça lié à une petite musique lorsqu’on change de lieu. Un régal.
Encore une fois on a une adaptation d’une pièce, et visiblement plutôt une bonne pièce, et surtout très drôle. On apprécie bien sûr de retrouver Azéma et Dussolier, qui même s’il a un petit rôle représente plus un running gag qu’autre chose mais qui parvient à être drôle. Et puis il y a tout un groupe de gens que je ne crois pas avoir déjà vu chez Resnais, comme Girardot et Vuillermoz, qui m’a juste tué. Sa façon de dire putain avec son visage en gros plan et son air désespéré, c’est quelque chose de grand. Il y a tout un tas de situations assez énorme, ce Georges qu’on ne verra jamais et qui mène tout le monde par le bout du nez. C’est juste jouissif de voir Vuillermoz qui doute de sa femme.
Je me suis beaucoup amusé, j’ai beaucoup ri, surtout grâce à Vuillermoz, mais malgré que j’ai pris beaucoup de plaisir je ne peux m’empêcher d’être forcément déçu car j’espérais aussi bien que Les Herbes folles pour la grande sortie de scène de ce grand homme. Mais bon, il nous laisse avec un film frais, qu’on dévore sans modération, et qui est très drôle et très réussi. Et puis c’est cohérent avec le Resnais de ces 15-20 dernières années. Une pilule de bonheur. Et j’ai trouvé la fin très émouvante, avec cette très belle fille, je ne la révèle pas mais au vu de la mort du réalisateur voir ça avec une note gaie et positive c’est vraiment beau. Rien à dire, juste à apprécier, à ne pas bouder son plaisir, à dire merci.