Aimer, boire et chanter : pour ce qui sera, pour toujours, son dernier film, Alain Resnais a pris pour titre celui d'une valse composée en 1869 par celui qu'on a surnommé le roi de la valse, Johann Strauss II. En fait, ce film est une transposition à l'écran de "The Life of Riley", une pièce récente d'Alan Ayckbourn, le dramaturge britannique dont Alain Resnais avait déjà adapté pour le cinéma les pièces "Intimate exchanges" ("Somking : No smoking" au cinéma) et "Private fears in public places" ("Coeur"). Le film, comme la pièce, met en scène 3 couples qui vivent dans le Yorkshire, au nord de l'Angleterre : le médecin Colin et sa femme Kathryn, l'homme d'affaires infidèle Jack et sa femme Tamara, le fermier Simeon et Monica. Il y est question d'une pièce de théâtre que la troupe de comédiens amateurs, dont Colin, Kathryn et Tamara font partie, est en train de répéter et d'un dénommé George, que l'on ne verra jamais et dont le corps médical pense que ses jours sont comptés. Ce George, qui va venir rejoindre cette petite troupe de théâtre, a été le premier amour de Kathryn, mais cela Colin l'ignore, il a été le mari de Monica et il n'est pas insensible aux charmes de Tamara. Laquelle des trois femmes l'accompagnera pour quelques jours de repos à Tenerife ? Pas de doute, on est en plein théâtre de boulevard. Une fois de plus, (malheureusement, la dernière !) on s'étonne de l'évolution suivie par Alain Resnais, auteur de films que l'on peut qualifier de difficiles au début de sa carrière et devenant de plus en plus léger le temps passant. Toutefois, attention : "Aimer, boire et chanter" est un film certes" léger" mais il n'est ni creux ni conventionnel. On y retrouve l'obsession de Resnais pour la mort, présente dans pratiquement toute son œuvre. On y parle des secrets qui peuvent exister même au sein des couples les plus unis, on y parle des choix à effectuer pour vivre au mieux les années qui restent à vivre, on y parle de l'amitié. On y découvre à nouveau la prodigieuse capacité que peut avoir un réalisateur génial à être inventif en se contentant d'installer 6 comédiens dans un décor minimaliste. Le jury de Berlin ne s'y est d'ailleurs pas trompé en récompensant le film avec le prix Alfred-Bauer, prix qui est décerné chaque année à un film qui ouvre de nouvelles perspectives dans l'art cinématographique ou offre une vision esthétique novatrice et singulière. La distribution n'étonnera pas les fidèles de Resnais : Dussolier, qui joue Simeon, et Sabine Azema, qui joue Kathryn, étaient depuis des années des fidèles de Resnais, Michel Vuillermoz (Jack) a participé à ses 3 derniers films, Hippolyte Girardot (Colin) et Caroline Silhol (Tamara) avaient déjà joué un film de Resnais. Seule, Sandrine Kiberlain abordait le réalisateur pour la première fois. Ils sont tous les 6 excellents. En résumé "Aimer, boire et chanter" n'est certes pas le meilleur film d'Alain Resnais, mais, parmi ses derniers films, il se situe 100 coudées au dessus de "Cœur", 10 au dessus de "Les herbes folles" et quasiment au niveau de "Vous n'avez encore rien vu".