Présenté au dernier festival de Berlin, le film y a notamment obtenu l’Ours d’Argent "Prix Alfred Bauer", récompensant l’ouverture vers de nouvelles perspectives dans l’art cinématographique, une récompense assez ironique vu l'âge qu'avait de Resnais au moment du tournage de ce film.*
Mais, en même temps ce prix était aussi une belle façon de saluer pour la dernière fois de son vivant un metteur en scène qui n’a cessé d'essayer de réinventer son cinéma, au risque de perdre parfois le spectateur en allant trop loin dans l'expérimental, ce que j'ai pu également le lui reprocher, surtout dans ses derniers films.
J'avais bien évidemment entendu parler de cette adaptation de la pièce The Life Of Riley, du Britannique Alan Ayckbourn, que le cinéaste avait porté à l'écran avec Smoking-No Smoking, en 1993, avec cinq César à la clé, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, mais aussi avec Coeurs, en 2006. Et je fais partie de ceux qui furent ébahis par le dyptique génial avec le non moins génial duo Bacri Jaoui au scénario, mon enthousiasme retomba largement avec ce "Coeurs" qui me laissa vraiment froid, même si, à ma décharge, je dois reconnaitre que je vis le film devant mon petit écran, assez distraitement.
D'ailleurs, outre "Coeurs", j'avoue avoir été circonspect en voyant aussi "Les herbes folles", tant et si bien que j'avais fait l'impasse sur son avant dernier film pourtant présenté en sélection officielle à Cannes "Vous n'avez encore rien vu", car j'avais peur que ce film soit un peu trop surranné, un peu trop artificiel, sentant un peu la napthaline, et également dissimulant mal un fond pas bien intèressant, comme l'étaient les deux autres longs métrages que je viens de citer .
Et malheureusement, disons le de suite, cet "Aimer, boire et chanter" souffre un peu trop des mêmes travers des derniers Resnais et ne retrouve pas comme on aurait tant souhaité pour son dernier film la grâce et la génie de ses chefs d'oeuvre intemporels.
Comme dans tous ses films, Renais cherche avant tout à travailler la forme de ses films, et ici on voit de suite à quel point il a le désir de jouer avec le matériau théatral d'origine en cherchant à déjouer en permanence les attentes et les craintes qu'un tel dispositif pourrait entrainer (le fameux théâtre filmé, toujours utilisé à titre péjoratif, on y reviendra très prochainement, si vous le voulez bien:o).
Ainsi, dans cet "Aimer, boire et chanter", les personnages vont et viennent dans des décors de carton pate qui remplacent les paysages- j'ai pensé un peu à "Dogville" de Lars Von Trier- mais malheureusement en moins convaincant.
En effet, on y voit des extérieurs formés de rideaux, des maisons peintes sur des longs draps pendants, des plateaux composés comme une scène avec une poignée d’accessoires. Pareillement, lors de certains monologues, l'acteur qui le prononce va apparaitre sous un fond blanc grisatre qui l'éloigne des autres, tandis que dans d'autres scènes, des parties animés- illustrés par dessins de Blutch- viennent également tenter de donner une impulsion différente à la narration.
Tous ces procédés, assez ambitieux et singuliers dans l'esprit, ne fonctionnent pas toujours et sentent parfois l'artifice, mais on apprécie cette capacité qu'a Resnais de toujours proposer des idées nouvelles en terme de proposition cinématographique et de mise en scène, même à 90 ans passé. Et l'on voit ainsi à quel point Resnais fut un auteur vraiment à part, tant, au bout de 2 minutes de film, on sait de suite qu'on à affaire un film de Resnais, et ce n'est pas seulement parce qu'on y voit Azéma et Dussolier, ses acteurs fétiches.
Evidemment, on pense d'ailleurs beaucoup pendant le film à "Smoking No Smoking", tiré du même dramaturge anglais Alan Ayckbourn, ne serait ce que parce que l'intrigue se déroule dans la campagne anglaise du Yorkshire, et que les parties animées ressemblent étrangement aux visuels du film de 1997.
Malheureusement, la comparaison ne plaide en faveur de ce Aimer, Boire et Chanter, tout simplement car la pièce d'origine est ici bien plus faiblarde.
En effet, les pérégrinations de trois couples, autour d'un personnage n’ayant plus que quelques mois à vivre- et qu'on ne verra jamais à l'écran et dont l'annonce de la maladie les chamboulera complètement, ne sont pas bien passionnantes à suivre, et s'apparentent parfois à un mauvais vaudeville (avec notamment ces scènes où l'on voit le personnage de Vuillermoz appelant sa maitresse à l'insu de la femme, ou bien celles où tous ces quiproquos sur la répétition de la pièce de théâtre). Et cela ne s'arrange pas au fil du film; la seconde partie du film, qui s'acharne à nous faire deviner laquelle des 3 femmes du film partira à Ténérife avec Georges, tournant quand même bien en rond. On a la facheuse impression que Resnais a surtout cherché à soigner la forme ,afin de masquer avant tout la faiblesse du texte-contrairement au film Diplomatie vu quasiment en même temps, au contenu bien plus fort et poignant ( cf prochaine chronique ciné).
Et surtout, gros problème du film- et de la pièce j'imagine, on manque vraiment d'empathie pour ces personnages , avec ces amis de toute une vie qui se mentent, se trompent et se trahissent sans beaucoup d'états d'âme.
On aurait voulu que Aimer Boire et chanter soit aussi prometteur que le titre, on imaginait une ode épicurienne drôle et enlevée, or, on se retrouve malheureusement avec assez peu d'amour, un alcool rare et plutot triste, aucune chanson (ce que je le déplore largement, vous connaissez mon gout pour les comédies musicales) et surtout une vision de l'humanité vraiment pas bien reluisante...suite de la chronique sur blog..