« Comancheria » est sans aucun doute notre coup de cœur de la sélection « Avant premières » du 42ème Festival du film américain de Deauville. Efficace, dynamique et drôle, le dernier film de David MacKenzie est une valeur sûre que nous vous recommandons de voir.
L’Ecossais n’en est d’ailleurs pas à son premier film puisqu’il signe ici sa neuvième réalisation. Mais nul doute qu’avec « Comancheria », son talent de metteur en scène sera (enfin) reconnu. C’est avec une sensibilité à fleur de peau que David MacKenzie vient nous le présenter, d’autant plus que c’est la première fois que sa famille découvrira ce film (ses deux jeunes enfants et sa femme étant dans la salle). D’une humilité et d’une sympathie réelles, le réalisateur explique qu’il est ravi que le titre de travail ait été gardé pour la distribution en France alors qu’elle se fait généralement sous son titre original « Hell ou High water ».
Mais pourquoi « Comancheria » ? Parce que le titre désigne la région qui se situe, en gros, entre le Texas et le Nouveau Mexique et appartenant autrefois au peuple indien comanche. Cette contrée a une importance capitale dans le film et devient presque un personnage à part entière. David MacKenzie sait d’ailleurs la sublimer et nous offre des vues de ces grands espaces arides à couper le souffle.
Le Texas est donc au centre de cette intrigue, issue d’un savant mélange entre polar, roadmovie et western moderne. Les codes sont respectés et les spectateurs se retrouvent en deux temps trois mouvements en plein cœur de cet état où rednecks, dinners, cowboys, nationales droites, whisky, poussière, armes et rangers font partie de la culture locale. Tout y est, sans clichés, juste avec une authenticité réelle et savoureuse.
Le décor planté, il nous faut évoquer le travail d’écriture singulier. Le scénario, écrit par Taylor Sheridan (auteur de « Sicario » de Denis Villeneuve qui s’était également fait remarqué lors du 41ème Festival de Deauville), est d’une intelligence et une profondeur inégalées. Les dialogues sont exquis, les répliques cultes, le propos brillant et incontestablement équilibré. L’humour y tient une place prépondérante et fait éclater la salle de rires à plusieurs reprises : c’est un pur régal !
La bande originale est elle aussi très intéressante et se calque sur les images et les agissements de nos héros avec une pertinence évidente. Warren Ellis et Nick Cave ont fait du bon travail et ajoutent une pierre angulaire à cette réalisation qui frôlait déjà le sans faute.
Qu’en est-il du casting ? Là aussi, on ne peut qu’acquiescer face au choix des comédiens qui prennent une place de choix dans ce film de qualité. Leurs talents sont mis en exergue et leur jeu offre une prestation irréprochable.
MacKenzie met en scène deux tandems distincts et hautement remarquables. D’un côté Chris Pine (« Star Trek », « Comment tuer son boss 2 », et Ben Foster, (Lance Armstrong dans « The program », « Kill your darlings », « Warcraft »), déjà vus côte à côte pour le film « The finest hours ». Ici, ils incarnent les deux frères braqueurs au plan bien huilé. S’ils agissent en vrais criminels, peut-on pour autant dire qu’il s’agit de vrais bandits ? Pas vraiment puisqu’ils pillent les banques qui les ont préalablement plumés. Leur braquage serait presque légitimes, surtout qu’ils réinjectent l’objet de leurs modestes larcins dans la société qu’ils ont volé. Nous ne cautionnons bien évidemment pas leurs agissements mais le propos prête à réfléchir et montrent combien leurs actes ne sont pas gratuits. Toby (Chris Pine) ne souhaite pas avoir recours à la violence et s’en tient au programme prévu. Tanner (Ben Foster) est davantage une tête brûlée et ajoute une pointe de fun dans leurs descentes, au risque de tout faire foirer. Deux caractères radicalement différents, deux personnages hauts en couleurs pour deux comédiens d’envergure !
De l’autre côté, Jeff Bridges (inoubliable dans « The Big Lebowski ») et Gil Birmingham (Billy Black dans la saga « Twilight »), deux rangers texans dans ce qu’ils ont de plus authentiques. Marcus Hamilton (Bridges) ronchon incontesté, est proche de la retraite. Fin limier, il décide de traquer les deux braqueurs de la région et les empêcher de sévir à nouveau. Son caractère bourru et ses vannes racistes envers son coéquipier Alberto (Birmingham) aux origines indiennes et mexicaines, font de lui le personnage le plus délectable du film. Sorte d’inspecteur Harry des plaines, il offre des scènes d’anthologie et prouve l’étendue de son talent !
La maîtrise de sa réalisation, son amour des paysages, son souhait d’offrir une intrigue costaude et intelligente font du dernier film de David MacKenzie, une vraie pépite cinématographique ! A découvrir de toute urgence !