Quand on connait un petit peu le monde du football professionnel d’aujourd’hui, on sait que « Les rayures du zèbre » est un film cruellement réaliste. Le personnage, incarné parfaitement par Benoît Pooelvoerde, est un personnage complexe, à la fois sérieusement antipathique quand il se promène en Côte d’Ivoire avec ces certitudes d’européen condescendant et grossier, et à la fois émouvant dans la relation qu’il noue avec son jeune joueur au fil du temps. C’est un vrai rôle à la mesure du talent de son interprète, complexe, très en retenue par moment, mais excessif aussi. En fait, on voudrait le détester parce qu’il incarne toute la mauvaise conscience des blancs vis-à-vis de l’Afrique, mais on n’y arrive pas et plus le film avance, plus on se sent touché par ce type qui camoufle ses sentiments sous une grande gueule de façade. La première moitié du film se déroule en Côte d’Ivoire et la peinture de l’Afrique qui y est fait est sans concession. Si le « néo colonialisme » de José est pénible, la société africaine elle-même est éclairée d’une lumière crue. Le jeune joueur talentueux recruté par José, incarné par l’acteur Marc Zinga, est un jeune qui parle peu et son regard est difficile à décrypter : on ne sait jamais ce qu’il pense ou ce qu’il ressent, il n’a jamais l’air heureux de ce qui lui arrive. Est-ce parce que le déracinement et la séparation d’avec son jeune frère est silencieusement insupportable ? On peut le supposer au vu de la seule scène où il est heureux et loquace, et c’est une scène qui sera ironiquement (et tragiquement) clef. Quant au monde du football professionnel, que ce soit côté joueur avec cet autre joueur africain bling-bling qui rate le bus parce qu’il est en boite de nuit, où côté dirigeants où on jette des joueurs sans leur donner leur vraies chance, il en prend lui aussi méchamment pour son grade. L’obsession de l’argent, les agents qui filoutent les jeunes joueurs naïfs, le racisme qui affleure dans certaines réflexions, le peu de cas que l’on fait des joueurs et de leur santé, toute la panoplie des travers du football moderne s’étalent devant nos yeux navrés. Mais… Il y a un sujet que le film de Mariage n’évoque pas et c’est très dommage, c’est le sort des ces jeunes africains qu’on fait venir plein d’espoir de Ligue des Champions en Europe, et qui échouent devant la concurrence, et qui se retrouvent largués dans les sociétés européennes, parfois sans papiers, et qui finissent à faire des petits boulots merdiques loin de chez eux, de leurs et de leur illusions. Le jeune Yaya, dans le film, réussira là où tant d’autres échouent, mais qu’en est-il de tous les autres ? Le film ne l’évoque pas, dommage… Au final, si ce film assez court (1h20) laisse plutôt une bonne impression, c’est surtout grâce à Pooelvoerde et à un scénario très crédible, parfois même carrément cynique. Alors on excuse du coup une réalisation assez académique et quelques facilités de scénario comme l’histoire d’amour navrante de Koen, recruteur belge pathétique.