Sophie Barthes, réalisatrice française de 41 ans, relève le délicat défi d’adapter à l’écran une grande œuvre de la littérature française bien connue de tous… mais avec un casting américain ! Si elle s’est permise quelques libertés, c’est sans aucun doute pour que le spectateur ressente intensément les sentiments qui habitent Emma Bovary : son ennui, ses déceptions, sa perte du goût de vivre. Pour mener à bien sa mission, elle omet quelques éléments importants de l’œuvre de Flaubert, ce qui, admettons-le, est assez déstabilisant. Ainsi, aucune trace de sa fille Berthe qu’elle a mise au monde au début de son mariage, aucune évocation de la mort de Charles suite à son suicide, pas de trace du libertin Rodolphe Boulanger. En deux heures de film, il faut aller à l’essentiel et Sophie Barthes le fait relativement bien.
Pour servir au mieux cette histoire exceptionnelle, il fallait envoyer du lourd côté comédiens et là aussi, c’est plutôt réussi. Et en tête de cette jolie file d’acteurs de talent : Mia Wasikowska (la « Alice » de Tim Burton) qui interprète Emma Bovary avec grandiloquence. Le rôle n’est pas évident mais elle réalise la lourde tâche de nous entraîner dans ses retranchements, sa détresse et son désespoir. La scène finale (qui est d’ailleurs également les premières minutes du film) ne laissera d’ailleurs pas le spectateur indifférent. Ce qui la précipitera dans sa perte, c’est bien évident le rejet qu’elle subit de la part des hommes qu’elle a aimé: le marquis d’Andervilliers et Léon Dupuis, qui prennent forme sous les traits de Logan Marshall-Green et la nouvelle coqueluche hollywoodienne Ezra Miller (« We want to talk about Kevin » ou encore « Crazy Amy » présenté également à Deauville cette année
Tous les personnages importants de Flaubert (ou enfin presque), on prit vie dans ce film. Parmi eux, Monsieur Homais, le pharmacien et complice de Charles Bovary, joué par Paul Giamatti (tiens tiens, n’aurait-il pas déjà tourné avec la réalisatrice pour « Ames en stock » ?), Monsieur Lheureux, homme d’affaires et vendeur de produits de luxe sans scrupule, interprété magistralement par Rhys Ifan (vu dernièrement dans l’excellent « Broadway Therapy » et ancien coloc de Hugh Grant dans « Coup de Foudre à Notting Hill »), Charles Bovary, le mari aimant mais absent d’Emma, incarné par Henry Lloyd-Hugues, Henriette la fidèle servante du couple Bovary jouée par Laura Carmichael (Edith Crawley de « Dowton Abbey ») ... Même le curé Bournisien trouve sa place dans le petit monde de Sophie Barthes. Et pour finir, un petit cocorico pour Olivier Gourmet, grand comédien belge qui apparaît dans le rôle du père d’Emma et dont le discours en anglais lors du mariage de sa fille marquera peut-être certaines mémoires… Bref, tous valent vraiment la peine d’être applaudi car ils viennent ajouter avec délicatesse leur petite touche à l’univers de Flaubert.
Dans la lignée des bonnes adaptations cinématographiques comme « Les liaisons dangereuses » de Stephen Frears, « Madame Bovary » démontre qu’il est possible de s’immerger dans notre culture littéraire et réaliser des films de qualité sans trop dénaturer les intentions de ces grands auteurs européens que l’on chérit tant. Hormis quelques longueurs nécessaires pour dépeindre une atmosphère particulière, le dernier long métrage de Sophie Barthes vaut la peine d’être vu par tous ceux et celles (surtout ?) qui apprécient les classiques, les reconstitutions d’époques passées, les jolis costumes et les histoires de vie vraies et authentiques.