Si vous ignoriez qu'Elton John a produit ce Sherlock Gnomes, c'est que vous êtes sourd. On ne voit pas bien le rapport entre le chanteur à grosses lunettes et ce film d'animation jeunesse sur le thème de Sherlock Holmes, mais visiblement (ou plutôt : auditivement) sa boîte de production Rocket a pensé qu'il serait chouette de saturer le film des tubes d'Elton. Entendons-nous : on est plus que fan de ce grand Monsieur, mais on préfère écouter nos vinyles-sacrés plutôt que d'enchaîner une dizaine de chansons sur la première heure du film, sans rapport avec l'intrigue, et caser des références au forceps (les personnages qui s'appellent "Tiny Dancer" parfois, la photo du nain "Elton" au piano), on trouve que cela ressemble plus à un catalogue de vente de la société de prod'. Après ce coup de gueule (léger, comme on adule le Monsieur), on peut le dire : si Sherlock Gnomes est un divertissement qui devrait plaire aux plus jeunes, avec un visuel honorable (bonne animation et finitions des personnages réussies), les adultes devront s'armer de plus de patience. Ce n'est pas dans nos habitudes d'écouter une animation jeunesse en VO, mais on s'est bêtement laissé tenter par le joli casting vocal annoncé, entre James McAvoy, Johnny Depp, Emily Blunt, ou Stephen Merchant, et grand mal nous en a pris. Si McAvoy et Blunt sauvent les meubles comme ils peuvent, on a un vrai problème avec le doublage de Depp. Lui qui avait su donner vie à son petit caméléon dans Rango, a beaucoup plus de mal à s'effacer derrière la loupe du détective, dès le premier élément surjoué avec un fort accent (beaucoup de dialogues, dans ce film sautillant dans tous les sens) on entend Depp derrière son micro, et non Sherlock en train de parler. Un manque de crédibilité qui nuit à son personnage déjà assez antipathique (on en arrive à comprendre les motivations de
Watson
... On l'étranglerait bien, ce Sherlock). On ne peut pas non plus se rattraper aux branches côté Gnoméo et Juliette, tant leurs doutes de couple nous ennuient, et côté "résolution" d'enquête dont les rebondissements finaux en comptent un de trop (
Watson en méchant manipulateur
). En revanche, le film a fait quelques efforts sur l'humour qui est assez présent (la séquence au parc déguisés en écureuil, assez drôle), sur les méthodes d'enquête de Sherlock (ses déductions incompréhensibles pour nous, un classique des romans et adaptations) et sur des idées inventives ("Benny and Nanette" pour parodier la chanson Benny and the Jets - parmi la flopée de titres d'Elton celui-ci nous aura bien amusé - ou encore Moriarty qui ne sait pas utiliser ses applications mobiles, on s'est légèrement reconnu). Tout n'est pas à jeter dans cette animation jeunesse, loin de là, mais on aurait aimé entendre quelques tubes en entier plutôt qu'une liste d'extraits et références au forceps à une star dont on raffole, pour éviter "l'effet catalogue", et le doublage n'est pas forcément à la hauteur du visuel réussi (on a zappé en VF cinq minutes, on a regretté d'avoir choisi la VO). Les enfants s'en satisferont volontiers, et les parents auront un ou deux sourires devant des gags parfois inattendus, sans trop regarder la qualité (à la loupe).