Voilà une comédie courte (1h30) pleine de répliques très drôles, bâtie sur un scénario plus complexe qu’on pourrait ne le penser au premier abord. John Turturro, aux mannettes de ce film, se filme dans le rôle improbable du type au physique banal qui devient gigolo, managé par un Woody Allen en grande forme. Sa réalisation est soignée, avec de jolis plans tout simples (dans Central Park notamment) et son film a une photographie très « New York », c'est-à-dire légèrement sépia accentuée par le fait que le film se passe visiblement à l’automne. Son casting est tout à fait pertinent et tout le monde joue avec finesse une partition pas forcément évidente. Si Woody Allen fait (très bien) du Woody Allen, Sharon Stone ajoute une petite pointe d’autodérision dans sa composition de femme délaissée. Si Sofia Vergara en fait un poil trop dans le côté femme fatale et féline, Vanessa Paradis est entonnement juste en veuve hassidim qui redécouvre la vie (et la sensualité) et c’est surement un rôle un peu délicat à jouer. John Turturro, lui, est finalement assez taiseux et étrangement crédible en gigolo un peu mystérieux, faussement détaché. Le film flirte avec le grivois sans jamais tomber dans le vulgaire, alors que çà aurait été très facile de déraper. Au final, c’est plus la communauté hassidim et son orthodoxie qui apparait étrange (pour ne pas dire exotique), plus que la situation inattendue de Fioravante en gigolo quadragénaire. Se comportant quasiment comme une secte, avec son propre service d’ordre (qui porte un uniforme de flic dans des voitures de flic, c’est d’une ambigüité inouïe !), ses propres tribunaux, ses propres lois, son obsession de l’entre-soi et ses interdits innombrables, cette communauté hors du temps fait presque peur. Même en faisant montre d’une bonne dose de tolérance, on est au final assez mal à l’aise devant ce communautarisme poussé à l’extrême et qui paraît incongru dans le New York de 2014. Pourquoi Turturro a voulu filmer cette communauté alors que son propos aurait été le même avec une jeune veuve éplorée lambda, c’est assez mystérieux à mes yeux. Mais en tous cas, cela a le mérite de mettre un peu de lumière sur le fonctionnement de cette minorité (déjà filmée par le cinéma français avec « La petite Jérusalem »), et de le faire au milieu d’une comédie drôle, à l’humour subtil mais efficace. Et comme le scénario a la bonne idée de ne pas céder à la facilité, de ne pas poser les gros sabots de la morale judéo-chrétienne et de se terminer sur une note ouverte douce amère, ne boudez pas votre plaisir.