La production de ce long a connu un certain nombre de ratés. Initialement démarré en 2006, ce projet a finalement vu le jour 6 ans plus tard en 2012. Il était donc assez attendu. Personnellement je ne l’attendais pas vraiment mais la lecture du pitch m’a plus qu’incité à découvrir ce film. Une belle surprise en somme que l’on peut voir comme un film à sketchs composé de 3 segments, un triptyque sur le thème de la fin du monde : 3 points de vue différents qui peuvent nous faire réfléchir sur notre mode vie, notre rapport aux autres, la façon dont nous appréhendons la différence et l’avenir…
Je me suis d’abord posé la question du titre. Le choix de cet élément est prépondérant et peut conditionner la manière dont nous abordons un film. Il y a plusieurs sens au Doomsday Book ou Livre du Jugement Dernier mais celui qu’il faut retenir est sans doute le passage de la Bible qui fait référence à l’Apocalypse. Chaque partie de ce triptyque fonctionne comme un chapitre de ce Doomsday Book. Cela aurait pu s’appeler “les 3 meilleures façons de foutre la planète en l’air”, mais Doomsday Book sonnait quand même beaucoup mieux. Chacun des trois courts-métrages s’apparente à un genre différent. Pour le premier : l’horreur, le second : la science-fiction et le dernier est traité sur un ton humoristique.
Le premier : Brave New World de Pil-Sung Yim
Le réalisateur revisite ici le mythe de la genèse à travers le prisme zombie dans une sorte de conte romantico-écolo. La Corée, comme bon nombre de pays asiatiques souffre d’une peur quasi-irrationnelle des microbes et autres bactéries, d’où le port de masques de protection dont ils sont très souvent affublés. Pour moi cette première hypothèse constitue le point de départ de ce premier court métrage. Un jeune mec se retrouve seul dans une maison après le départ en vacances de sa famille avec pour tâche de « sortir les poubelles ». J’utilise les guillemets car cette famille vit dans un tel tas d’immondices que cela en devient grotesque. Des ordures qui semblent pourrir sur place depuis des semaines si on se fie à leur apparence répugnante. Parmi ces ordures, une pomme pourrie dont nous allons suivre tout le parcours : des déchets de la poubelle à leur utilisation pour la fabrication de nourriture pour animaux de la ferme, des animaux de la ferme (vaches en l’occurrence) au restaurant-grill et finalement de l’assiette au consommateur. L’ironie du sort voudra que la viande mangée par notre jeune trou-duc soit celle nourrie par ses ordures en putréfaction. Parallèlement à cela, une histoire d’amour va naître entre lui et une jeune fille. Après avoir ingéré cette saloperie de pomme par l’intermédiaire de toute cette chaîne de production, c’est le début de la fin…le mythe d’Adam et Eve bis. La contamination vient de commencer, elle se propage vitesse grand V et rien ne semble pouvoir l’arrêter…Ce court semble avoir pour vocation de nous mettre face à nos responsabilités et notre propension à produire des quantités infinies de déchets qui nous font à coup sûr courir à notre perte.
Visuellement la photographie est très réussie, l’image et les plans sont superbes. La musique est très bien adaptée. Une petite musique un peu étrange qui colle très bien à l’action qui se déroule sous nos yeux. Ce court métrage nous balade entre le tragique et le comique, dans l’horreur burlesque avec un côté très organique, un peu à la Cronenberg où le rapport à la bouffe et aux ordures est très particulier. Quelques scènes un peu gores car l’on est quand même en présence de zombies mais rien de répugnant comparé aux plans fixes sur les déchets en décomposition. Allez, bon appétit biensûr !
Le second : Heavenly Creature de Kim Jee-Woon
Le deuxième est beaucoup moins fantaisiste. On peut le voir comme une fable philosophique sur notre rapport aux nouvelles technologies, à l’évolution mais également à notre peur de l’inconnu. Le thème abordé précisément dans ce court métrage est celui du rapport entre la religion, nos croyances et les choses qui nous dépassent et que l’on ne s’explique pas. La communauté scientifique serait par exemple presque prête à croire que l’univers a été créé par Dieu tant ils manquent de réponses sur les origines du monde.
L’action de ce film se déroule dans un monastère dans un futur relativement proche. Nos amis les moines ont à leur disposition un robot à tout faire. Un réparateur est appelé à la rescousse pour ce robot que tous considèrent comme la réincarnation de Bouddha. Est-il bon pour la casse ou pour devenir le nouveau messie ? C’est toute la question de ce court métrage, une réflexion sur ce qui définit l’humanité, notre humanité. Ce questionnement, notre technicien en robotique va l’avoir. Lui qui est cartésien jusqu’au bout des ongles et qui a fait de la logique une religion. Dans le monde des robots, tout est noir ou blanc. Pas de nuance. Un robot est programmé pour une tâche bien précise, soit il fonctionne et il s’exécute soit il est défectueux. Lorsque celui-ci aura ce supplément d’âme, qu’est-ce qui le différenciera finalement d’un être humain si ce n’est l’aspect physique et physiologique. Cette faculté de pouvoir penser par lui-même fera de lui quasiment un surhomme lui permettant d’atteindre l’illumination. Sa constitution lui a permis de faire tomber les barrières afin d’atteindre cet état psychique si particulier. Selon lui chaque être humain possède la faculté de le faire mais n’est pas prêt pour cela et s’en empêche inconsciemment. Cet être supérieur fascinera autant qu’il fera peur. D’un côté les moines qui souhaitent le garder à leurs côtés et l’ériger en nouveau Bouddha et de l’autre la firme qui l’a conçut qui souhaite le mettre hors-service voyant là principalement une menace pour le business. Le big boss de la compagnie passe pour le méchant de l’histoire mais il est peut-être la voie de la raison… de tout temps l’espèce supérieure a dominé les autres et pourrait être dangereuse pour la survie de celle qui la précède. Mais rien n’est écrit, et cet instinct animal, cette loi de la jungle ne survit finalement qu’à travers nous et non dans l’électronique d’une machine qui pense…
Ce court métrage fait tout de suite penser à l’oeuvre d’Asimov et son cycle sur les robots traitant de l’intelligence artificielle, de l’humanité et des rapports entre les deux. Visuellement très réussi, Jee-woon nous emmène dans un univers minimaliste et puissant. Très peu d’effets spéciaux, le robot n’est d’ailleurs pas une réalisation 3D mais un véritable robot en animatronique. Ce film est quasiment un huis-clos, ce qui contribue à nous aider à faire notre introspection pour peu qu’on s’intéresse à ce sujet.
Le troisième et dernier : Happy Birthday de Pil-Sung Yim
Pil Sung-Yim clôt ce triptyque avec humour, et ce n’est pas forcément chose aisée tant la fin du monde n’est pas un sujet de franche rigolade. L’idée de départ est assez farfelue…Une petite fille perd la boule noire n°8 du billard américain de son oncle. Pour rectifier son erreur, elle va vite aller en commander une sur un site internet quelque peu étrange. Mais au lieu de la recevoir simplement en colissimo, la boule va arriver par l’espace à la vitesse d’un météore de la taille de la lune. Tout un programme. La catastrophe est imminente et la petite famille a déjà prévu de se réfugier dans un bunker anti-atomique…
Petit court métrage totalement absurde et plutôt drôle dans son côté pince-sans-rire notamment lorsque la famille découvre que la météorite qui va causer la fin du monde est en fait la boule de billard.
On peut voir ce petit film comme une satire de toutes les prophéties aussi absurdes les unes que les autres et qui rendent finalement celle d’une boule de billard fonçant sur la Terre aussi crédible que les autres. Il nous fait terminer sur une touche de légèreté ce qui n’est pas si mal par les temps qui courent.