Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Un Château en Italie" et de son tournage !

Point de départ et influence

La réalisatrice Valeria Bruni Tedeschi confie avoir pensé à La Cerisaie, pièce de Anton Tchekhov, pendant toutes les étapes du film, de la préparation au montage, en passant par le tournage. La cinéaste avait envie de raconter une histoire de famille et une histoire d'amour, et le drame de la maladie du frère. "L’écriture a commencé avec le choc de deux séquences opposées", indique-t-elle, en poursuivant : "Une scène entre Louise, l’héroïne, et Nathan, son fiancé, dans une voiture. Ils se disputaient. On ne savait pas pourquoi. Les dialogues étaient presque abstraits. Au bout d’un moment on comprenait qu’ils étaient en route pour aller faire une fécondation in vitro. L’autre scène était celle, à l’hôpital, entre Louise et son frère, Ludovic, très malade. Elle lui annonçait qu’elle était enceinte. Ces deux éléments face à face s’entrechoquaient et agissaient ensemble pour former le départ d’une histoire."

Evolution du scénario

Le scénario a subi quelques chamboulements au moment où l'acteur Louis Garrel a rejoint le projet. Il s'agissait alors de donner plus d'ampleur et de consistance à l'histoire d'amour entre le personnage de Valeria Bruni Tedeschi et celui de Garrel. "Il a lu le scénario, que nous pensions définitif et avec lequel nous avions déjà obtenu presque toutes les aides à la production, et nous a fait part de ses réserves. Il trouvait, à raison, que l’histoire d’amour était jolie mais fade à côté de l’histoire de famille. Avec Noémie et Agnès on a décidé alors de tout remettre à plat. (...) On a trouvé le personnage de Nathan, je crois, le jour où on a compris que c’était un acteur qui voulait arrêter de faire ce métier. Je pensais à Je rentre à la maison de Oliveira, mais chez un acteur jeune. Déjà dans Actrices je parlais de ça. C’est, je crois, un thème qui m’obsède…", relate la réalisatrice.

Tournage en deux fois

La réalisatrice de Un Château en Italie raconte que le tournage s'est déroulé en deux fois. "J’ai eu la chance que mon producteur, Saïd Ben Saïd, le comprenne (...). C’était à la fois un luxe et une nécessité", révèle Valeria Bruni Tedeschi. Pour respecter les saisons, d'une part, et pour que la maladie dont souffre le personnage de Filippo Timi évolue à l'écran de manière visible, d'autre part. "Les saisons étaient essentielles parce qu’elles racontaient deux choses: le temps de la maladie, (...) son évolution, et l’évolution de l’histoire d’amour, le temps de l’amour. Je ne voulais pas tricher avec les saisons", commente-t-elle. "Je souhaitais aussi que l’acteur qui joue mon frère (...) maigrisse beaucoup entre l’hiver et le printemps, ce qui était évidemment impossible en tournant en une seule fois."

Construction du personnage principal

Dans Un Château en Italie, Valeria Bruni Tedeschi est à la fois coscénariste, réalisatrice et interprète de l'héroïne du film, Louise. Elle explique que pour construire ce personnage, qui affronte la mort de son frère, elle a énormément travaillé sur la "notion de survie" : "Louise a l’impression qu’elle va devoir survivre (…). Pour elle, avoir un enfant, c’est une façon de survivre, de ne pas se laisser engloutir par la douleur, la solitude, la souffrance et la mort. (…) Avoir un enfant est pour Louise la preuve que la vie peut encore, malgré tout, être gaie."

Ecriture à six mains

Le scénario de Un Château en Italie a été écrit par trois femmes : Valeria Bruni Tedeschi, Noémie Lvovsky et Agnès de Sacy. Les deux dernières avaient déjà collaboré avec la première sur ses deux précédents films : Il est plus facile pour un chameau... et Actrices.

Auto-fiction ?

Beaucoup d'éléments du film ont une consonance autobiographique. En effet, Valeria Bruni Tedeschi a, comme Louise, son personnage, perdu son frère en 2006, décédé des suites du sida. C'est sa propre mère, Marisa Borini, qui interprète le rôle de la mère dans le film. De plus, elle a effectivement vécu une relation de cinq ans avec le comédien Louis Garrel, qui joue Nathan, son compagnon dans le long métrage. Toutefois, la réalisatrice ne considère pas ce film comme une auto-fiction : "Il s’inspire de choses qui me sont arrivées, bien sûr, mais aussi de choses que j’ai observées, et de choses qui sont arrivées aux personnes avec qui j’écris. De ce qu’on a lu, vu, entendu, rêvé. Lorsque la réalité n’est pas assez forte ou pas assez spectaculaire, on la pousse un peu, on y applique une licence poétique qui la transforme, l’extrapole et la fait glisser vers le tragique, le comique, le grotesque, ou le romanesque. La réalité que je connais ou que j’observe est le matériel de départ."

Parler du Sida

La façon d'aborder le Sida, et notamment le moment de l'annonce de la maladie, était un enjeu primordial pour Valeria Bruni Tedeschi. Elle revient sur ce moment de l'écriture scénaristique : "'J’ai le sida' est une réplique qui a mis du temps à apparaître dans le scénario. (...) La maladie n’était pas nommée, puis, avec Noémie et Agnès, on a senti que le mot devait être prononcé. Il fallait que cela arrive au bon moment, de façon naturelle, mais aussi comme un choc. Il était aussi très important pour moi qu’il soit ajouté à cet aveu : 'mais ce n’est pas grave, c’est une maladie comme une autre'. À l’époque où mon frère est mort du Sida, avouer qu’on avait le Sida était avouer qu’on allait mourir de façon presque sûre et certaine. Je voulais qu’on se souvienne de cela. En même temps, ajouter 'c’est une maladie comme une autre' était aussi une façon de dire comment cette maladie a évolué aujourd’hui."

Double identité

Un Château en Italie est nourri par les deux identités de sa réalisatrice, qui porte la double nationalité franco-italienne. "Ça fait partie de moi, je me sens double. Ma langue maternelle est l’italien, mon enfance s’est déroulée en Italie, puis, à mon arrivée en France, je suis allée à l’école italienne de Paris. (...) Le français est plutôt ma langue d’adulte. Il me serait difficile d’écrire quelque chose de personnel sans passer d’une langue à l’autre, parce que les deux musiques font partie de moi. Deux voix, dans le vrai sens du mot : en italien ma voix est en effet plus grave et plus rauque qu’en français. Mon personnage a, lui aussi, ces deux voix", révèle Valeria Bruni Tedeschi à ce propos.

Film féminin

Un Château en Italie est une production presque exclusivement féminine. En effet, qu'il s'agisse de la réalisatrice, des scénaristes, de la directrice de la photo, de la chef décoratrice, de la chef costumière ou des monteuses, toutes sont des femmes !

Tournage dans le château familial

Le film a été tourné en Italie, dans l'ancien château de famille de la réalisatrice. Une envie très tôt ressentie. "J’imaginais tourner le film dans ce château qui a été, à une époque, notre vraie maison de famille. J’en avais conservé des images fortes, très précises, très détaillées", révèle Valeria Bruni Tedeschi. Un endroit important puisqu'il constitue par ailleurs le titre du long métrage, Un Château en Italie !

Séquence imprévue

Valeria Bruni Tedeschi évoque l'une des séquences du film, celle du mariage à l'hôpital, qui n'était pas destinée au départ à faire partie du montage final : "Sur le tournage, Filippo a eu une idée, il m’a suggéré de tourner un plan où il danserait avec ma mère, il était sûr que ça lui ferait plaisir. Ce n’était donc pas une scène prévue, et on l’a tournée, au départ, pour égayer ma mère. Il y plusieurs choses dans le film qui ont été faites juste pour faire plaisir à ma mère !"

Compenser la douleur par le travail

Marisa Borini, la mère de Louise dans le film, est la mère de Valeria Bruni Tedeschi. Elle s'est énormément investie dans tout le processus de création de cette histoire qui est un peu la sienne. "J’avais l’impression que beaucoup de travail lui permettrait de moins souffrir en racontant cette histoire", observe la réalisatrice. "Elle s’est occupée d’aider à remeubler le château (...). Elle a assisté à toutes les étapes du montage, qui a duré huit mois". Le tournage n'a pas toujours été facile, mais elle n'envisageait pas de ne pas y participer : "Quand elle a lu le scénario, elle a dit : 'ça va être très dur, mais je ne veux pas que quelqu’un d’autre le fasse, je ne veux pas que quelqu’un d’autre aille au cimetière de famille (...)'. Par rapport à la mort de son fils, quelqu’un de la famille lui demandait : 'mais comment tu vas faire pour jouer ce rôle ?' Elle a répondu tout simplement que lorsqu’une mère perd son fils, la douleur est si profonde, si constante et omniprésente, que le fait de faire un film ne change absolument rien. Mais jouer dans ce film a été plus douloureux que ce qu’elle aurait pensé. Parfois elle a surestimé sa propre force. Mais elle a préféré cette difficulté là à ne pas le faire."

Le rapport à la foi

La foi occupe une place importante dans Un Château en Italie. Le personnage de Valeria Bruni Tedeschi et celui de sa mère Marisa Borini illustrent deux rapports à la foi bien distincts. Louise est "en quête de foi" et sa mère, elle, vit la foi de façon familière et querelleuse. "Elle a des discussions animées avec la Sainte Vierge, elle s’engueule avec elle, se réconcilie. Il fallait qu’on ne confonde pas ces deux différents rapports à la foi", précise l'actrice réalisatrice au sujet du rôle qu'interprète sa mère. "À travers la mère, on voit quelqu’un qui a des 'moments de foi', comme des fulgurances qui lui donnent confiance et lui permettent de respirer. Mon personnage est, lui, quelqu’un qui (...) pratique la religion comme on va faire ses courses : 'si je fais ça tu me donnes ça'. Ce rapport de commerce avec la foi et avec Dieu m’intéresse beaucoup", souligne-t-elle.

Participation anecdotique d'Omar Sharif

Omar Sharif fait une apparition dans Un Château en Italie. L'acteur du Docteur Jivago doit en fait sa présence à Marisa Borini. Valeria Bruni Tedeschi relate : "Ma mère m’a appelée un jour et m’a dit : 'tu sais, j’étais au restaurant et il y avait Omar Sharif ! Il est magnifique, c’est mon idole, je trouve que c’est le plus bel homme du monde'. Moi j’ai pensé : on va appeler Omar Sharif, on va lui proposer une participation et qui sait, peut-être qu’entre ma mère et lui il y aura un coup de foudre ? C’est pourquoi Omar Sharif est dans le film. (...) L’idée me plaisait parce que cela racontait quelque chose d’essentiel du personnage de la mère : malgré le traumatisme qu’elle vit, malgré son fils malade, malgré la désolation, la peur, et la perte, la mère 'voit' Omar Sharif, et elle vit sa présence comme la promesse d’un flirt charmant et éphémère. (...) Omar Sharif a accepté très gentiment de faire cette participation. Ma mère et lui ne sont pas tombés amoureux", conclut-elle.

Le bouffon nécessaire

L'acteur et réalisateur Xavier Beauvois interprète dans Un Château en Italie un personnage un peu cruel, pour qui la vérité est primordiale : "Par sa passion de la vérité, les personnages sont comme secoués, réveillés, ils prennent conscience des choses, comprennent ce qu’ils doivent faire, et agissent. Grâce à lui et à sa violence le récit avance. C’est un bouffon odieux et merveilleux qui ne peut s’empêcher de dire tout ce que l’on n’a pas envie d’entendre, d’être incorrect et dérangeant. Mais il est aussi plein d’humour, et d’amour. Il est à la fois victime et héros. Dieu et diable. C’est un personnage très important pour moi. Il introduit de l’oxygène, du chaos et de l’insolence dans le film", déclare la cinéaste, pour qui la présence de ce "bouffon" est en fin de compte nécessaire.

Couleurs vives et styles

Valeria Bruni Tedeschi a travaillé avec la costumière Caroline de Vivaise pour élaborer le style vestimentaire des personnages. "Pour mon personnage, nous pensions (...) à Anouk Aimée dans Le saut dans le vide. On a pensé aussi à Faye Dunaway dans (...) Portrait d’une enfant déchue. J’avais envie qu’elle soit soignée et féminine, mais qu’elle s’habille de façon négligée", indique la réalisatrice. Elle ajoute que, pour elle, l'aspect très soigné du personnage de Céline Sallette entre en résonnance avec la maladie de son compagnon : elle se fait belle pour lui montrer à quel point elle l'aime, et pour tenir la mort à distance. Avec la directrice de la photo Jeanne Lapoirie, Valeria Bruni Tedeschi a opté pour une palette de couleurs vives. "On ne s’est pas dit 'on va faire un film avec des couleurs vives', mais les couleurs vives nous ont plu", confie-t-elle.

Sélection cannoise

Le film de Valeria Bruni Tedeschi a fait partie de la sélection officielle de l'édition 2013 du Festival de Cannes. Elle était la seule femme à présenter un film en compétition pour la Palme d'Or.

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