Bon, l'humour copte est carrément moins acide que l'humour kurde (à propos, où est passé le génial Hiner Saleem? Il nous manque!). L'humour copte est gentillet....
Namir Abdel Messeeh (lui même!) est cinéaste et copte et vit à Paris, non loin de ses parents, peu pratiquants. Lui même est si mécréant qu'il a demandé que la mention de sa religion soit effacée de son passeport. Mais à une fête de famille, une tante arrive tout excitée: la Vierge est apparue en Haute Egypte! Plein de gens l'ont vue! D'ailleurs, elle a une cassette (on voit une tache lumineuse). Namir se dit que ce serait un bon sujet de film; il convainc un producteur et s'envole pour Le Caire où se sont produites, plusieurs années auparavant, des apparitions patentées, attestées par chrétiens et musulmans (qui honorent Marie comme une de leurs saintes). Même Nasser les a vues, c'est dire! Namir mêne son enquète, sans parvenir à un résultat. Pourtant, il en fait des efforts, comme d'assister in extenso à une messe copte (quatre heures....) Renié par son producteur, il part à Assioud, où se sont produites les apparitions récentes, et qui est justement le village de sa famille maternelle, où il a passé quelques années de sa petite enfance.
Namir a une mère, Siham Abdel Messeeh (elle même....) qu'en d'autres lieux on qualifierait de mère juive. Aussi entreprenante que Namir est mou-du-genou, elle n'a pas une très haute opinion de la carrière cinématographique de son fiston. Son précedent court métrage? Nul! On n'y comprend rien! Rhabillé pour l'hiver, le fiston! Elle lui a défendu d'aller voir sa famille, elle a honte de ces paysans illettrés.... mais la situation étant ce qu'elle est, elle rejoint Namir en s'improvisant productrice. C'est qu'il a eu une idée géniale: pour valoriser son film, recréer l'apparition, avec une jeune paysanne déguisée en Marie, et les nombreux cousins figurant l'assistance. C'est la seconde partie du film, plus drôle que la première. Les acteurs d'occasion se piquent au jeu; prennent leur rôle au sérieux..... tout en rigolant beaucoup. Et quand, lors de la première projection, ils voient l'apparition, eh bien, bien qu'ils sachent très bien comment elle a été fabriquée -jeunes moustachus comme petites méméres édentées- ils y croient!
Ne ratez pas (car il est peu probable qu'il ait une longue carrière) ce petit film qui ne ressemble à rien, mais qui vous apprendra tant de choses! sur la vie rurale en Egypte, dure, très dure, dans ces magnifiques paysages nilotiques. Sur la rue cairote, et son petit peuple. Sur les relations entre coptes et musulmans (ils se détestent et chacun pense que c'est l'autre qui a commencé, mais un musulman a une magnifique phrase: séparez l'état et la religion, et coptes et musulmans recommenceront à bien vivre ensemble...). Sur les coptes en particulier, leur clergé et leurs opinions (Namir a emporté quelques reproductions de tableaux classiques pour demander aux jeunes filles d'en reproduire les poses, et les villageois sont indignés: qu'est ce que c'est que cette sainte Vierge qui montre ses cheveux et sa poitrine? Sacrilège...). Car c'est ça, AUSSI, le cinéma, découvrir d'autres civilisations et d'autres façons de voir. Épatant!
Cela dit, le film a été tourné avant le printemps arabe.... que restera t-il, dans quelques années, de cette espèce de tolérance? Va savoir..... En tous cas, ne passez pas à côté!