Kleber Mendonça Filho est un réalisateur reconnu par la critique et les festivals. Il a reçu plus d'une centaine de prix pour ses cinq court-métrages et Les Bruits de Recife a déjà circulé dans une trentaine de festivals où il a remporté un certain nombre de prix, notamment celui de Meilleur Film à la Mostra de Sao Paulo et à Copenhague, en plus d'une récompense à Rotterdam. Le film représentait également le Brésil à la sélection du Meilleur Film étranger aux Oscars mais ne fait finalement pas partie des nominés. Il a par contre été chaudement accueilli à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes.
Bruits de Recife figure sur la liste des dix meilleurs films de l'année 2012 du New York Times, déterminée par le critique de cinéma Anthony Oliver Scott. Il reconnaît aux Bruits de Recife une qualité de travail du son époustouflante et parle d'un "paysage auditif d’un film d’horreur. Ou celui d’un thriller sans chute. La tension qui envahit la routine quotidienne est tout aussi difficile à identifier qu’à éviter [...]". Caetano Veloso, probablement le musicien brésilien le plus populaire qui soit, le voit quant à lui comme l'un des meilleurs films brésiliens de tous les temps, alors même qu'il s'agit du premier long-métrage de fiction de Mendonça Filho. Les Bruits de Recife cumule aujourd'hui 125 000 entrées, score très rare pour un film indépendant au budget de sortie limité.
Le réalisateur est très attaché à la ville de Recife, dans laquelle il habite. La rue qui revient le plus fréquemment dans le film est celle où il vit, ainsi que l'appartement de Bahia, qui n'est autre que le sien. Trois de ses court-métrages tiennent aussi place dans ce quartier de Setúbal où se déroule l'action des Bruits de Recife. Ce facteur commun tient en ce que Mendonça Filho s'intéresse beaucoup aux rapports de classe qu'il peut observer dans la vie quotidienne des habitants de Recife, des restes féodaux qui persistent dans la société, et de l'architecture de la ville qui participe à cette atmosphère anxiogène et impersonnelle. C'est aussi pourquoi le réalisateur écrit les scénarios de la plupart de ses films.
Les Bruits de Recife, comme l'indique le titre, est un film centré sur le son. C'est pourquoi le réalisateur recommande fortement de voir le film au cinéma plutôt que sur un écran de salon. La construction (enregistrement, mixage et montage) sonore du film dure plus d'un an et doit constituer, toujours selon Mendonça Filho, la bande originale de son long-métrage, qui, sinon, n'utilise aucune musique dans le sens traditionnel du terme. DJ Dolores, avec qui le réalisateur avait travaillé pour son documentaire Critico, orienté sur la critique de cinéma, signe ici la production musicale du film, tout en détails sonores.
Une légende urbaine brésilienne a servi de référence à l'ambiance parfois fantastique, comme hantée, du film. Un adolescent, entre 13 et 18 ans, s'amusait à s'introduire chez les gens en grimpant sur la façade de leur immeuble. Il visitait les appartements mais ne volait rien et parfois, les occupants se réveillaient et le retrouvaient allongé sur le canapé. Il fut un jour retrouvé mort, le corps criblé d'une douzaine de balles. Ce personnage fantomatique, dont l'existence même est incertaine, sert au cinéaste qui voulait au départ l'intégrer au film. Il traduit le besoin d'évasion, de transgression, que ressentent les protagonistes.
Dans une interview, Mendonça Filho précise qu'il voyait son film comme un soap opéra filmé par John Carpenter. Quand on sait l'attention que ce dernier donnait lui-même au son dans ses thrillers (The Thing, Christine, Dark Star), il est clair que le réalisateur des Bruits de Recife s'est inspiré de l'Américain pour son film. Du soap, il récupère les intrigues parallèles et multiples mais y apporte une qualité visuelle supérieure à l'aide du Cinémascope. Assaut (toujours Carpenter) est aussi cité par le cinéaste, pour son utilisation sensible de l'espace, comme il a tenté de la transmettre dans Les Bruits de Recife.
Comme le film se penche sur les rapports entre classes sociales, une comparaison a été faite entre Les Bruits de Recife et la construction d'un western : la question de pouvoir, de territoire, de clôture de l’espace, est omniprésente et rappelle au réalisateur les plantations de cotons et l'esclavage qui y a perduré au Brésil jusqu'au XIXème siècle. Il prend également d'autres films en référence, La Randonnée, de Nicolas Roeg, et Cabra Marcado para Morrer d’Eduardo Coutinho, autrement dit un film initiatique au coeur du bush australien et un historique sur des luttes de territoires entre paysans.
Le cinéaste a réalisé son film dans l'optique qu'il serait essentiellement vu par des Brésiliens. Il lui faut attendre le festival de Rotterdam pour comprendre que Les Bruits de Recife n'est pas uniquement un film indépendant et local, "paroissial" disait-il. Pourtant, il craint que certains aspects de son intrigue échappent aux spectateurs qui ne connaissent pas le Brésil. Ainsi, son idée sur la classe moyenne, qu'il met en scène, est des plus personnelles : "ses pieds ne touchent jamais le sol". Il les voit comme constamment enfermés dans une bulle de protection, obsédés par leur sécurité, vision des choses qui touchent précisément cette classe brésilienne mais pas nécessairement la classe moyenne mondiale. L'universalité qu'il a pu voir dans son film ne fut que postérieure à la réalisation de celui-ci.
Mendonça Filho n'a pas fait qu'écrire et mettre en scène Les Bruits de Recife, rôle pourtant déjà conséquent. Il participe aussi à la sonorisation et au montage du film et le fait produire par Emilie Lesclaux au sein de sa société de production Cinemascópio. Outre ses activités de cinéaste, il dirige avec cette dernière le festival de cinéma de Recife (Janela Internacional de Cinema do Recife), créé en 1997 par Alfredo et Sandra Bertini.