Quand on parle de John Woo, les mêmes films sont le plus souvent cités : Volte/Face, The Killer, A toute épreuve. Les autres, mineurs dans sa carrière, sont rapidement oubliés, et c'est en voyant Les Associés que j'ai compris pourquoi. Bon sans être excellent, moyen sans être mauvais, le film tangue plus vers le divertissement médiocre que le film d'action Hong-kongais de qualité.
On ne sait jamais vraiment où il va, quelle direction il veut prendre; il n'y a que les 30 dernières minutes pour montrer un ton un semblant uni, dernières minutes durant lesquelles le film aura décidé de complètement plonger dans l'humour. Alors, il devient drôle, s'opposant à la pénibilité de l'humour jonchant un film incertain de ses objectifs. Le film passe alors de film d'action Hong-kongais à comédie burlesque parodiant les films américains, de manière évidente et peu raffinée.
Le film fonce dans le tas, ne cherche pas à faire de fioritures; il n'y a qu'à observer un tant soit peu l'acting de Chow Yun Fat pour comprendre que la satire ne sera pas des plus fines. Surjouant constamment, souriant à toutes épreuves, il mâche son chewing-gum sans en démordre, la bouche grande ouverte et tout le long du film. Volontairement agaçant, on en vient à détester l'un des acteurs les plus récurrents dans l'art de Woo.
Un film dans lequel on retrouvera quelques gimmicks de Woo, qui prévoyait là déjà sa future carrière américaine : ralentis esthétisés qui tombent dans l'excès, personnages insupportablement caricaturaux (on dirait presque Van Damme dans [Chasse à l'homme][1]), situations improbables et comiques. Les Associés pourra être vu comme le signe annonciateur d'une carrière internationale ratée, ironiquement auto-parodiée par un virage dans l'excès beaucoup trop excessif pour en sortir indemne. Et si Fat tuera des ennemis en faisant exploser des micro-ondes contenant des bouteilles de Coca, Cruise sautera de sa moto pour percuter un ennemi en plein vol (avec plus de ralentis que le second 300). Si le même Chow Yun Fat glissera sur un skate pour tuer ses adversaires, Travolta terminera empalé par une ogive nucléaire, à la différence prêt que l'un des deux films est volontairement comique, tandis que l'autre se trouve sérieusement dans l'abondance de sur-excès.
Spectaculaire mais bourré de faiblesses d'écritures, Les Associés se vautre dans son triangle amoureux d'une triste inutilité; c'est surtout son évolution en milieu de film qui fera basculer le tout dans un amateurisme béat, supprimant un rapport d'amour évoqué de manière intéressante, mais jamais plus approfondi que cela. La relation change du tout sans que ça ne soit un minimum logique, et les faits se déroulent sans qu'aucun personnage ne vive de réelle retombée psychologique.
On notera également l'incertitude de ton évoquée précédemment. Le film commence comme n'importe quel autre film d'action made in Hong Kong : ce sera un genre de thriller policier bourré de gunfights comme les chinois avaient l'habitude de nous en sortir. Seulement, il y a ce retournement de ton dans les trente dernière minutes qui vient annuler tout le reste, et l'on se demande clairement ce que l'on a regardé pendant plus d'une heure : la satire américaine était difficilement visible, les quelques notes d'humour pas assez régulières pour le faire entrer dans le registre de la comédie.
Pétage de plomb sur la fin, matraquage de vannes et de plomb dans la tête. Ton surprenant, complète césure avec ce que nous proposait le film. On tient là une oeuvre schizophrène qui ne sait pas si elle doit être sérieuse ou comique, mélange étrange entre une satire de l'Amérique et un film dans les canons typiques de l'industrie cinématographique d'Hong Kong. Woo signait là une oeuvre médiocre, divertissante mais trop peu homogène pour qu'elle retienne vraiment l'attention du spectateur une fois le visionnage achevé.