Ceci est un drame, point d’humour ou de joie, ne comptez pas dessus pour vous remonter le moral ou vous détendre, et à ne surtout pas aller voir en cas d’humeur triste ou tendue. « Babel » n’est pas mauvais, mais ce n’est pas un chef d’oeuvre non plus. C’est le récit de trois histoires dans les quatre coins du monde, l’une au Maroc, l’autre aux Etats-unis en passant par le Mexique et enfin la dernière au Japon. Toutes vont finir par se rejoindre à un moment donné mais il faut vraiment s’armer de patience, beaucoup de patience, car le bout du tunnel ne va commencer à apparaître que vers une bonne heure pendant laquelle on n’aura pas encore trop compris ce qui se passe. On s’impatiente par moments, on est même exaspéré parfois, on se demande à quoi rime tout ça, mais au bout du compte tout finit par s’expliquer. Dans ce genre de procédé, il faut savoir changer de rythme lors du dénouement, mais en fait ici non, la lenteur est de mise et ça ne s’accélère que bien trop tard. L’erreur est également fatale pour cette typologique de narration, et justement il y en a eu pas mal, elles viennent nous rappeller à quel point les américains adorent en rajouter. À commencer par les clichés, que de clichés ! Montrer le visage pauvre du Maroc ou du Mexique, dépeindre la misère et le mode de vie primitif de certaines populations, on veut bien, ce sont des choses qui existent, mais pourquoi donc persister à sous-évaluer également son contraste lorsqu’il s’agit de montrer le coté moderne de ces pays, tout aussi anarchique et insignifiant que les images veulent le prétendre ? Ce film dénonce l’autorité policière et son incompétence, mais est-ce
crédible quand les gendarmes commencent par brutaliser des pauvres bergers sans défense avant même de leur adresser la parole ? Qu’il menottent des vieillards au milieu d’un désert ? N’est-il pas exagéré de la part du réalisateur de les faire s’acharner à tirer des coup de feux à plusieurs, alors qu’ils ont déjà cernés des fugitifs terrorisés et peu hostiles, qui n’ont nulle part où fuir de surcroît ? Enfin, est-ce qu’un tel manque de prudence et de professionalisme est réaliste dans un poste aux frontières
aussi critique ? De grosses tâches noires qui viennent compliquer celle d’un style qui a déjà du mal à être appréhendé avec enthousiasme. En fait, c’est même paradoxal quand on y pense, car le film tombe dans une typologie de clichés similaire à celle qu’il condamne justement. Une grossière erreur est aussi d’avoir impliqué
simultanément les enfants d’un couple déjà bien malchanceux dans des péripéties aussi extravagantes. L’effet papillon, pourquoi pas, mais il aurait fallu faire preuve de plus d’imagination que d’embarquer et leur nounou et leurs deux gosses dans une histoire invraisemblable conséquence d’une mésaventure en elle-même inédite, ça fait
trop de mauvais sorts en même temps pour une seule et même famille quand même ! J’évite de m’attarder sur tout ce non sens
lié à la stupidité de la nounou vu les risques qu’elle prends, sur le seul baiser échangé par le couple occasioné par la femme qui est en train de pisser au même moment, et sur l’histoire japonaise
qu’on ne sait toujours pas comment interpréter. Pourtant il y a de bonnes idées dans « Babel », le traitement médiatique de l’affaire qui laisse songeur, l’absurdité des démarches administratives et réactions d’ordre politique qui nous révoltent, le manque de coopération entre peuples différents, la bonté et la confiance des gens simples contrastées avec l’hostilité et la méfiance de gens plus aisés, et enfin la Loi de Murphy démontrée suivant une démarche originale et des protagonistes dont on retiendra bien des leçons de leurs mauvaises décisions. Avec un peu plus de rigueur sur la plausabilité du scénario, d’éclaircissements de certains points de vue, de retenue sur une vision trop américanisée des choses et une meilleure gestion du rythme, « Babel » aurait côtoyé les cieux, mais je trouve son langage reste assez peu universel pour atteindre autant de hauteur.