Effets secondaires, réalisé par l’encensé et souvent bien inspiré Steven Soderbergh (trilogie Ocean, Contagion, Erin Brockovich, seule contre tous et plus récemment Ma vie avec Liberace), c’est pas vraiment le genre de film que tu te mates le dimanche soir… Le propos est quand même lourd : la psychopharmacologie. Késako ?! Mais c’est très simple mes amis, c’est tout simplement (dit-elle) l’étude scientifique des produits psychotropes et de leur impact sur l’homme, et notamment, sur l’esprit humain.
Le pitch : "Jon Banks est un psychiatre ambitieux. Quand une jeune femme, Émilie, le consulte pour dépression, il lui prescrit un nouveau médicament. Lorsque la police trouve Émilie couverte de sang, un couteau à la main, le cadavre de son mari à ses pieds, sans aucun souvenir de ce qui s’est passé, la réputation du docteur Banks est compromise… " (Merci Allociné – un peu "spoilerisant", mais passons). Vous comprenez maintenant pourquoi il vaut mieux éviter de voir ce film un dimanche soir ?
Un duo/duel : Rooney Mara versus Jude Law
Impossible de ne pas évoquer ce qui saute aux yeux immédiatement, à savoir la bonne performance du duo qui porte le film : Jude Law (Sherlock Holmes, La sagesse des crocodiles, Stalingrad) et Rooney Mara (Millenium -version US, Les amants du Texas).
Jude Law campe ici le brave docteur Banks, qui bien malgré lui va se retrouver emporté dans une spirale infernale, qui va remettre en cause son métier, sa famille, son intégrité. La relation qu’il entretien avec sa patiente vacille entre bienveillance professionnelle et implication plus ambiguë. C’est que le docteur, comme tout à chacun, a ses propres démons et boulets à gérer.
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Lui donnant la réplique et incarnant magistralement une jeune femme en proie à la dépression, Rooney Mara signe ici une remarquable prestation. Elle parvient à restituer le conflit intérieur auquel Émilie semble être confrontée, et qui va la pousser, à user d’extrêmes mesures. De moindres importances, les prestations de Channing Tatum (le mari d’Émilie) et de Catherine Zeta-Jones (le Dr. Siebert), sont accessoires pour le premier, à la limite de la caricature pour la seconde.
Un exercice de style
Steven Soderbergh nous a habitués à soigner la réalisation de ses films, la tradition est parfaitement respectée avec Effets Secondaires. Des plans, bien souvent longs, silencieux, donnent le ton de cette descente aux enfers –intérieurs- que vont respectivement expérimentés Émilie et son docteur, mais ce dernier pour des raisons bien différentes.
Une bande-sonore, souvent aux sonorités dissonantes, participe à la création d’une ambiance pesante, lourde, sombre. Puisque concourant à la démonstration stylistique du réalisateur, impossible de ne pas évoquer la construction technique et le schéma narratif d’Effets secondaires. Effectivement, il nous est donné à voir certaines choses, des moments clés de l’histoire ; mais finalement, sommes-nous certains que ce que nous observons est la « vérité » ? Vous vous doutez à présent, qu’il est aussi question dans ce film, de dualité, voire de duplicité. Mais, je vous laisse seul juge sur ce point, puisque ce dernier relève fortement de l’interprétation de chacun.
Ce n’est pas moi, c’est mes pilules. Un vrai débat de société
Le film nous propose différents niveaux de lecture et d’interprétation de l’histoire. On a aussi bien l’évocation de la déliquescence de la vie d’une jeune femme dépressive qui en une fraction de seconde va voir sa vie bouleversée. Lui sont intimement liés les bouleversements que rencontre son psychiatre. Ce dernier, va lui aussi voir sa vie tout entière remise en question.
Au centre du débat : l’utilisation de psychotropes, dans des cas extrêmes et dramatiques, peuvent-ils être responsables d’une perte du libre-arbitre, de la conscience d’action d’une personne. Au final, c’est bel et bien la question de responsabilité qui rentre en ligne de compte. Chacun est libre d’avoir sa propre opinion sur le sujet. Pour certains, les anti-dépresseurs par exemple, ne sont qu’une vaste fumisterie, une béquille pour des gens faibles et sans volonté ; pour d’autres, les antidépresseurs sont un outil complémentaire, voire indispensable à un travail émotionnel et spirituel comme la thérapie ; et enfin, à l’autre bout, on trouve ceux qui ne jurent que par le recours aux pilules du « je-vais-bien-tout-va-bien », et rien d’autre.
La société actuelle occidentale est clairement surmédicalisée, hyper-médicamentée. Après avoir vu ce film, et sachant que la France est le pays d’Europe où l’on prescrit le plus d’antidépresseurs et parallèlement, voire paradoxalement, où le taux de suicide est le plus élevé ; on peut légitimement s’interroger dans certains cas, si le remède n’est pas pire que le mal.
Alors, on en pense quoi ?
Effets secondaires est un très bon thriller/drame psychologique. Steven Soderbergh, comme à l’accoutumé, délivre ici un film engagé, à l’esthétique assumée, qui malgré un propos lourd et sensible, tant chacun d’entre nous peut y être confronté dans sa vie quotidienne, captivera les spectateurs. Personnellement, je mets un 15/20 au film. Une bonne note oui, mais qui aurait pu être meilleure à cause d’un point particulier. En effet :
La seconde partie du film est claire : il s’agit d’une arnaque. Émilie, avec l’aide de sa psychiatre, le Dr. Siebert, a imaginé de A à Z, un scénario machiavélique, sur fond d’amours saphiques, afin de se venger du mari d’Émilie, et d’accessoirement, s’enrichir au passage. Déjà, personnellement, j’ai du mal à croire en la relation entre Émilie et son psychiatre ; C. Zeta-Jones jouant comme une érotomane en chaleur (notez la redondance volontaire :P ), c’est too much pour être crédible. Mais bon passons.
Là où je veux en venir, c’est sur ce que le réalisateur a choisi de nous montrer, et spécifiquement la scène de meurtre par Émilie de son pauvre mari. Souvenez-vous, Émilie prépare "le manger", son mari entre, la trouve encore en pleine crise de somnambulisme, mais ne voyant pas le danger d’un couteau dans la main de sa femme, il s’approche et PIF, PAM, BOOM. Channing Tatum is dead. Jusque-là, c’est cohérent. Après l’avoir tué, cette brave Émilie, s’en retourne se coucher, apparemment inconsciente de ce qu’elle vient de faire. C’est cohérent jusque-là encore. Oui mais, à partir du moment où Émilie est "grillée" par le Dr. Banks et qu’elle lui raconte ce qui s’est vraiment passé, on nous montre de nouveau les images, et là, Émilie joue la comédie. Non elle n’est pas dépressive, ni somnambule, et le meurtre de son mari n’est pas un malheureux accident médicamenteux.
Alors pourquoi, si ce n’est pour nous mentir et nous induire en erreur, nous a-t-on montré l’image d’une Émilie encore "zombiesque" qui retourne se coucher, sachant qu’une fois son mari mort, personne n’était témoin de la mascarade, et qu’elle pouvait de nouveau redevenir elle-même. Enfin, les seuls témoins, ce sont évidemment les spectateurs, en position omnisciente. J’en arrive donc au point ou même si le film est super bien mené, j’ai la grosse impression d’avoir été flouée, que l’on m’a visuellement menti et je n’aime clairement pas cela ! Si vous avez une autre interprétation de tout cela, je suis preneuse. Soyons honnête, s’ils avaient juste coupé la scène après le meurtre du mari, il n’y aurait eu aucune discussion. Epic fail niveau montage !