Alors que la saga Transformers atteint son 5ème film en même temps qu'elle fête ses 10 ans, on est en droit de s'imaginer qu'elle va bientôt toucher à sa fin. Surtout que Michael Bay a assuré que cette fois-ci, ce serait bien son dernier. Lui qui est devenu indissociable de la franchise et que l'on imagine mal la voir continuer sans lui. Pourtant, contaminé par cette infection d'univers étendus qui se propage à Hollywood, le studio commence seulement à voir en grand pour les Transformers. Faisant de ce nouvel opus une passerelle de lancement à un univers et une mythologie bien plus vaste, promettant un 6ème film mais aussi une flopée de spin-offs. Néanmoins le succès de ce The Last Knight se révèle très frilleux, la saga n'a jamais eu les faveurs de la critique mais s'en sortait toujours bien au box office, et même si le film se remboursera sans peine il reste le moins bon démarrage de toute la franchise de quoi compromettre les plans du studio. Les gens se lasseraient-ils des Transformers ? Possible, surtout dans une industrie où la critique fait de plus en plus loi et où le score Rotten Toamatoes est érigé en sainte parole.
Michael Bay c'était assagi ses derniers temps, il revenait à une certaine forme de classicisme tout en parvenant à affirmer son style grâce à une démarche de réflexion sur ce dernier. Grâce à cela il avait offert les meilleurs films de sa carrière avec Pain & Gain en 2013 et 13 Hours: The Secret Soldiers of Benghazi en 2016. Il avait même fait de Age of Extinction, le 4ème film de la saga, le plus abouti par son second degré assumé et sa maturité visuelle. De quoi être curieux de voir ce qu'il ferait avec ce 5ème, et supposé, dernier film de la franchise pour lui. Moins long que ses prédécesseurs qui avait tendance à être éreintants, bande annonce qui promet des visuelles à tomber, tout semblait partie pour le mieux. Mais le premier gros défaut de ce film, c'est qu'il doit s'imposer en oeuvre somme pour clôturer l'ère Bay, ouvrir la voie pour la suite et poser les bases d'un univers plus vaste, prenant racines dans les légendes arthuriennes ou dans l'Histoire en jouant à fond la carte de l'uchronisme. Il va trop en faire en très peu de temps, surtout qu'il doit aussi poser des enjeux digne de ce nom. Le film va saccager son scénario sans le moindre soucis de cohérence narrative et va noyer son spectateur sous un flot trop important de personnages et d'informations. C'est un bordel sans nom que de vouloir suivre l'intrigue, qui accumule en plus les sidekicks inutiles, force des scènes d'émotions sur des personnages qui n'ont même pas eu le temps d'être présentés ou encore s'impose par sa débilité profonde. Entre la romance totalement mal venu entre le héros et le nouveau personnage féminin, un humour de niveau CM2 et des dialogues risibles, difficile de savoir quel est le pire.
Le film s'encombrent avec trop d'événements et personnages totalement accessoire à l'intrigue qu'il n'en est plus qu'une grosse machine boursouflée surtout qu'il tente de boucler un boucle et qu'il rajoute par dessus cela des anciens personnages de la première trilogie parfois même de manière incohérente. Et le film jongle entre tous ça avec un montage qui défie toute logique, les scènes s’enchaînant n'importe comment et durant en moyenne une poignée de secondes à peine. Le rythme est trop souvent confondu avec la rapidité et en résulte un opus qui manque cruellement de punch par rapport à ses aînés, qui pourtant tiraient eux aussi en longueurs. Les personnages humains prennent aussi trop le pas sur les Transformers, qui sont réduit en figurants de leur propre film. Optimus Prime en tête qui est presque absent du film et dont il manque vraiment un morceau de bravoure digne de ce nom, ce qui était pourtant le gros plaisir coupable des précédents films. Après ici tout n'est pas à jeter non plus, les humains sont plus attachants que les standards habituels de la série, et sur ce point The Last Knight est probablement celui qui a le meilleur personnage féminin même si elle est encore très souvent réduite en bimbo au corps transpirant. Mais les acteurs s'en sortent plutôt bien, Mark Wahlberg s'inscrit parfaitement dans le cinéma de Bay, entre beaufitude assumé et culte du corps puissant, il joue son rôle sans génie mais s'amuse très clairement. Anthony Hopkins est dans le rôle ingrat de celui qui ne fait que de l'exposition mais se trouve souvent dans un contre emploi réjouissant tandis que c'est toujours sympa de revoir Josh Duhamel et John Turturro, encore une fois hilarant, et que Laura Haddock s'en sort plutôt bien.
Mais les gros atouts de ce Transformers sont d'ordres visuels. Le style Bay, que beaucoup considèrent à tort qu'il n'est pas un hauteur, est encore une fois très identifiable. Entre sa façon unique de filmer une explosion, sa fascination de la plastique parfait et du corps militaire emprunt de fratrie hyper viril et beauf mais aussi noble, on retrouve tout les fétiche de sa mise en scène. Sauf qu'ici, pour le grand plaisir de ses détracteurs, ils les poussent à son maximum. Alors qu'il faisait preuve d'une certaine mesure sur ses précédents films, ici il fait exploser toute les barrières pour un spectacle totalement aberrant mais foncièrement génial. Allant même à filmer une partie de polo comme un des sommets épiques de son long métrage, il n'a tellement aucune mesure que cela ne peut que se traduire en troll monumental. D'une certaine manière, Bay se trouve même un alter ego dans la présence de Cogman, un majordome robotique sociopathe et schizophrène (et accessoirement meilleur personnage du film) qui tente désespérément de refréné ses pulsions destructrices et qui à une certaine emphase pour la théâtralité. Comme lorsqu'il joue de l'orgue pendant une des monologues d'Hopkins pour rendre son récit plus épique, soulignant la démesure incontrôlée de son approche. A sa manière Bay est le serviteur d'un studio qui en demande toujours plus, et l'offre de manière à en faire une immense pied de nez à tout le monde.
Bay ne se contente pas de faire plus, mais en fait trop de manière beaucoup trop consciente pour que cela soit anodin. Ici il expérimente, mélange les genres dans un patchwork visuel en constant mouvements n'hésitant pas par moments à ce montrer indigeste. Pourtant, une maîtrise formidable et une inventivité constante se dégage de ses scènes. Non seulement il offre le climax le plus spectaculaire de la saga, utilisant l'action mais la mobilité de l'environnement pour créer des set-pieces originaux et bien amenés mais en plus il compose ses plans avec une virtuosité rare. Même si beaucoup sont sacrifiés par le montage catastrophique, la manière de conjuguer prises de vues réels et effets spéciaux au sein d'un même cadre sont bluffants voire même révolutionnaires dans leur genre. Le degré de finition est parfait avec en plus une photographie somptueuse et le tout accompagné d'un score encore une fois impeccable de Steve Jablonsky. Le film à beau être totalement déstructuré dans sa narration et son enchainement, il en reste souvent beau à en crever enterrant même toute concurrence. Dommage qu'une telle expertise visuelle soit mis au service d'un spectacle souvent abrutissant et par moments trop foisonnant.
Transformers: The Last Knight apparaît donc comme totalement malade. On sent que Michael Bay est lessivé d'être pressé comme un citron par un studio et une audience qui en veut toujours plus, à tel point que celui-ci en vient à troller tout le monde. De son envie d'en finir, Bay trouve une créativité ludique et souvent virtuose dans sa manière de mettre en scène l'action mais il s'affranchit plus que jamais de tout considération narrative. Le meilleur moyen de décrire ce Transformers: The Last Knight serait l'expression "joli foutoir" tellement c'est de ça dont se rapproche le film, mais il est difficile cela dit d'excuser ses grosses incohérences, son humour risible et sa bêtise générale en plus de son montage aux fraises. Tout ça en fond indubitablement un mauvais film (loin cela dit du calvaire de Revenge of the Fallen, le 2ème épisode), mais cela est aussi contrebalancé par les expérimentations totalement folles d'un cinéaste au sommet de son art. Transformers: The Last Knight est pour ça un film à part, un Bay movie dans tout ce que cela implique de meilleur comme de pire, une oeuvre aussi déplorable qu'attachante qui atomise tout concurrence en terme de spectacle visuel surtout dans une industrie de plus en plus uniformisée. C'est un blockbuster hors norme, dans tout ce que le genre à de plus extrême et où se conjugue ce qui est probablement un des films les plus spectaculairement beau de l'année mais aussi un des plus stupides. Sidérant.