Véritable consécration pour le réalisateur norvégien Morten Tyldum, avec huit nominations aux Oscars de l'année 2015, Imitation Game retrace le parcours et la personnalité méconnus d'un scientifique de génie du XXème siècle, un héros discret et secret probablement à l'origine d'environ 14 millions de vie sauvées et d'une guerre raccourcie de deux ans : Alan Turing.
Premier film anglais du cinéaste scandinave, et composé d'une équipe polyglotte (production américaine, direction de la photographie espagnole et le reste de l'équipe britannique), cette oeuvre hybride, à la fois biopic et drame historique, éclaire un pan longtemps méconnu de la Seconde Guerre mondiale. Il faut dire que les travaux de Turing sont restés confidentiels pendant près de 50 ans. Mathématicien de renom, cryptanalyste brillant, Alan Turing est à l'origine de plusieurs avancées technologiques, mais celle mise en avant dans le film est sa victoire sur la machine de cryptage allemande réputée inviolable : Enigma. Dans l'espoir de déchiffrer les messages codés échangés par l'ennemi nazi et d'entraîner la chute du nazisme. le MI6 recruta une équipe de cryptanalystes à Bletchley Park, autour d'Alan Turing, qui permit la naissance de la Bombe, la seule machine au monde capable de décoder le langage secret d'Enigma.
La qualité du scénario, qui permit au film d'obtenir sa seule récompense à la cérémonie des Oscars en 2015 et qui s'appuie sur la biographie "Alan Turing ou l'énigme de l'intelligence" d'Andrew Hodges, s'illustre notamment par sa présence en tête de la Blacklist en 2011. Avec près de la moitié des votes, le scénario gagne une approbation inégalée dans l'histoire du classement. Toutefois, bien que ce soit la Warner Bros qui achète la première les droits d'adaptation, ce sont bel et bien les studio Black Bear Pictures qui concrétisent le lancement du projet cinématographique. Mais au terme de celui-ci, c'est un résultat assez terne qui s'offre à nos yeux et qui entraîne une certaine frustration après l'espoir naît d'un scénario aussi original et ambitieux.
En effet, la mise en scène souffre d'un conformisme et d'une absence de prises de risques. Ainsi, on se retrouve presque noyé dans un environnement "so british" qui frôle avec les clichés sur le mode de vie britannique. Benedict Cumberbatch, dans le rôle d'Alan Turing, ne parvient pas à convaincre sur toute la durée du film et se retrouverait presque dépassé par la performance du jeune Alex Lawther, qui incarne le même personnage mais dans son enfance. A ce titre, n'oublions pas de noter le charisme du leader du MI6 interprété par Mark Strong.
L'autre faiblesse majeure du film est sa liberté prise avec l'histoire et le portrait d'Alan Turing, certes réalisée pour les besoins du film et pour répondre à la nécessité de conserver un public captivé jusqu'à la fin, mais qui présente un homme trop différent de celui qu'il fut réellement.
Néanmoins, la musique, création originale du talentueux français Alexandre Desplat (Harry Potter et les Reliques de la Mort, The Grand Budapest Hôtel), nourrit correctement l'atmosphère de cette lutte contre le temps auquel doivent faire face les principaux protagonistes s'ils veulent atteindre leur objectif. Car au-delà de l'ennemi nazi, le principal adversaire de l'équipe de Bletchley Park est le temps.
Finalement, cette adaptation britannique, bien que basée sur un scénario reconnu et captivant, souffre d'erreurs historiques trop nombreuses, d'interprétations trop timides et d'une histoire d'amour un peu trop romancée. Cependant, l'intégration d'images d'archives et la valeur historique de l'intrigue relèvent l'intérêt que l'on peut porter à ce film très anglais.