Très largement appréciable et somme toute rondement mené, "Imitation Game" contient quand même tout ce dont je me méfie dans le genre du biopic: un académisme extrême que ce soit dans la réalisation, la narration ou le développement de l'histoire, une envie de faire bonne impression devant l'académie, un propos souvent trop lisse et enfin une tendance à se cacher derrière la mention "inspiré d'une histoire vraie" bien que ce dernier aspect soit à nuancer: je ne connaissais aucunement Alan Turing avant d'entendre parler ce film et pour le coup, "Imitation Game" fait surtout office de devoir de mémoire envers l'un des plus grands héros que l'Angleterre ait connu, on peut comprendre que le propos global l'emporte sur l'intention cinématographique, que ce film reste "le film sur Alan Turing". Mais paradoxalement un tel académisme dessert justement la mémoire d'un tel homme quand on en vient à lisser les aspects de sa vie les plus intéressants: je pense à la relation platonique entre Turing et Clarke mais ce que je déplore le plus c'est que son suicide et même les dernières années de sa vie soient résumées à une ligne de texte à la fin, le type méritait quand même qu'on le suive jusqu'au bout ! Bon, pour le reste l'avantage de ce genre de films c'est que parce qu'ils s'évertuent à respecter à la lettre toutes les conventions du genre, ils sont forcément appréciables, ils sont créés pour ça. Déjà le film n'est jamais chiant. Ensuite le personnage est forcément fascinant et Cumberbatch le lui rend bien. Je dois dire, au début j'avais des à prioris: pendant les premières minutes, Alan Turing est juste Sherlock dans un contexte différent, le même inadapté social incapable de penser par autre chose que des chiffres, jusqu'à préciser son inculture. Et l'acteur choisit pour le rôle n'aide pas à se détacher de cette image, ajoutez à cela que Charles Dance (toujours délicieux) fait plus ou moins du Tywin Lannister, pas dur de comprendre la logique des choix de casting. Heureusement le film nuance vite son personnage, dévoilant ses facettes au rythme de l'avancée du décryptage. Le film étant ce qu'il est, aucune scène ne m'a marqué outre mesure, mais sur le moment elles font parfaitement leur effet, la scène de l'Eurêka étant comme souvent la plus forte. On pourrait dire la même chose des compositions d'Alexandre Desplats, qui comme à son habitude signe des compositions qui accompagnent habilement l'action mais qui s'effacent soudainement de l'esprit une fois ladite scène terminée. De même que le film: honnête voire un peu plus, mais trop peu audacieux pour réellement marquer où que ce soit. Enfin, pour aller chercher un peu plus loin, je réalise avec ce "Imitation Game" non seulement que le cerveau prend lentement mais surement la place des muscles au cinéma, ce qui est cool, mais aussi que ça commence à devenir un genre de cliché: c'est pas encore le cas mais je sens qu'une poignée de films comme celui-ci plus tard je vais en avoir marre que chaque génie scientifique soit obligé d'être Rain Man, Turing lui-même était plus ou moins inadapté socialement, mais pas à ce point-là et ça rejoint un autre défaut habituel du biopic qui est de plus ou moins travestir l'Histoire pour la faire rentrer dans un moule pré-établi. C'est loin d'être criant comme dans beaucoup d'autres films du genre mais c'est là, et ça m'empêche de vraiment apprécier le film.