Pur produit d’académisme, ce biopic sur le méconnu Alan Turing aura convaincu partout où il fût passé, ou pas. Il faut dire que le sujet avait de quoi captiver, au même titre que son acteur principal ou encore son réalisateur, le talentueux norvégien, auteur notamment de Headhunters, Morten Tyldum. En gros, un sujet fort, un casting au poil, un metteur en scène des plus prometteurs, une bande-son signée Alexandre Desplat, et tout le monde voyait déjà en The Imitation Game le nouveau messie filmique de cette fin d’année pour les uns, ou début d’année pour les autres. C’était sans compté sur une forme de condescendance somme tout assez mesquine, pas tape à l’œil mais tout de même préjudiciable à la vision du film. Académique au possible, cette biographie tronquée offre matière à perplexité. En effet, au vu du sujet, au vu de l’ampleur du potentiel récit, il semble qu’au final, le film ne soit qu’un gros coup dans l’eau, un coup bien entendu sélectionné pour les derniers Oscars en date.
Alors que certains louent la prestation de Benedict Cumberbatch, acteur qui fait ici son boulot, d’autres fustigent tout simplement son rôle qu’ils jugent d’une rare facilité. Quoiqu’il en soit, l’acteur principal, bien que pas dans son meilleur rôle, n’est absolument pas le maillon faible du métrage. Son personnage est d’ailleurs suffisamment volumineux pour porter presque à lui seul le film sur ses épaules, avec l’aide du passe-partout Mark Strong. En revanche, là où les choses se gâtent, c’est lorsque apparaissent Keira Knightley ou Matthew Goode, deux comédiens qui ici officient dans le registre du minimum syndical, incarnant des personnages préconçus à mille lieues d’être intéressants. On notera au surplus qu’un bon nombre de personnages secondaires sont agaçants, pour ne pas dire d’avantage. Pour en revenir à Benedict Cumberbatch, disons finalement qu’il rehausse le niveau d’ensemble, sans forcer mais avec un certain charisme.
Coté mise en scène, le réalisateur norvégien semble avoir souffert d’une certaine forme de surenchère, offrant bon nombre de plans mal goupillés, ces extraits du front délabrés, qui ne cadre pas vraiment avec son décors typiquement britannique universitaire. En dépit de cela, son travail s’avère finalement tout à fait correct. C’est finalement le scénario, le parti-pris du scénariste, qui pourra irriter. En effet, The Imitation Game semble s’orienter d’avantage vers le portrait du dénommé Alan Turing, son portrait intimiste, plutôt que de clairement axé ses écrits sur cette course contre la montre face à Enigma. Le film est certes l’adaptation d’une nouvelle autobiographique mais d’avantage de substance en rapport à ce qui touche à la guerre, au décryptage, n’aurait pas été de refus. Notons, pour appuyer cela, que toutes les séquences présentant Alan Turing à l’âge de l’école, sont, en plus d’être inutiles, d’une niaiserie crasse.
Mitigé, voilà mon sentiment au vu de ce film prétendument exceptionnel. A demi terminé, à demi intéressant, partiellement mal interprété, offrant des plans CGI pas toujours dignes de notre époque, The Imitation Game n’est absolument pas le type de film que se verrait faire date, et pourtant. On notera, à la décharge de toute l’équipe derrière le long-métrage, qu’il s’agit de la première apparition de ce personnage historique méconnu au cinéma, ce qui pourrait rendre le film indispensable pour certains. 11/20