Le film commençait bien mais est totalement gaché par Harrison Ford. Je caricature ma pensée, mais c'est l'idée. Faire une suite/reboot d'un film aussi culte et unique dans son genre est un exercice périlleux, pas vraiment souhaitable. Personnellement, j'attends plutôt d'autres films uniques, que des copies de films uniques. Mais je n'allais tout de même pas boudé le plaisir de voir l'univers de Blade Runner rafraichi, mis à niveau techniquement. Et de ce point de vue, le film n'échoue pas. C'est un vrai plaisir visuel et sonore, même si la musique qui rend hommage à celle de Vangelis, en reprenant l'essentiel de sa texture synthétique originelle, ne nous laisse avec aucun thème mémorable contrairement à l'original ; mais c'est un peu la patte de Hans Zimmer qui veut ça : son truc, c'est le sound design, et pas tellement l'écriture de mélodies ou de thèmes ; on pourrait dire que c'est un genre d'anti-John Williams, et il se rapproche davantage d'un Maurice Jarre, contemporain de Vangelis. Mais Blade Runner, ce n'est pas qu'un style visuel et sonore, c'est aussi une intrigue d'anticipation avec ses interlignes philosophiques et psychologiques sur la condition humaine et les sociétés qu'elle engendre. Là, si le film commence plutôt bien, avec une trame et des questionnements très "Blade Runner", voire même semble prendre une direction "épique", il finit par "lâcher l'affaire" et bascule totalement dans ce que l'on voyait poindre à plusieurs reprises, à savoir un "fan service" que personne n'avait demandé (enfin j'espère), et probablement uniquement là pour rassurer les producteurs. Du coup, il fallait ramener Harrison Ford qui est âgé et qui coûte cher, donc pas trop longtemps, mais pas trop peu, parce qu'Harrison Ford ne se déplace pas pour de la figuration, il faut que son rôle ait de l'importance. Et voilà que le scénario se voit contrait de déplacer tous les enjeux qui était en train de se construire autour du personnage de Ryan Gosling, vers Harrison Ford, soit-disant incarnant "Deckard" du premier Blade Runner. Sauf que non, c'est Harrison Ford, le même que l'on voit dans tous les films depuis 10 ans : le gars qui joue les vieux bougons rigolos. Et Rien à faire, même dans ce film, il est un vieux bougon rigolo. Il fallait lui donner une raison de revenir et donc le scénario se débrouille pour nous concocter des scènes aussi inutiles que stupides, notamment le point d'orgue qui détruit tout ce que le film avait entrepris, un condensée de "fan service" vulgaire d'environ 5 minutes (audio du film original, plan du film original,
reconstruction 3d -ARGH!!! Mais arrêtez ça!!- d'un personnage du film original
), inondée d'un sentimentalisme très hollywoodien qui fait vraiment tâche dans ce film :
la rencontre entre Harrison Ford et le méchant Wallace (sans substance, complètement creux, malgré le potentiel que laissait présager le design du personnage) où ce dernier tente une manipulation grotesque
; la scène donne l'impression d'avoir été rajouté à la dernière minute dans le scénario. Le film fait ainsi retombé toute la pression comme un soufflé, échoue à cause de ce "fan service" que les studios croient obligatoires de truffer tous leurs reboots.
Une autre incongruité, d'autant plus gratuite que cela ressemble à une opportunitié ratée : la réintroduction du personnage de Gaff (James Edward Olmos), mais suite à une erreur dans la mise en scène ou la direction d'acteur, nous nous retrouvons avec William Adama. Aucune trace de Gaff dans ce personnage...
Que les producteurs s'occupent de produire, et laissent les artistes faire leur travail. Le film aurait pu être parfait sans les références obligatoires au film de Ridley Scott. Le film de Villeneuve avait un potentiel énorme, il a une cinématographie exceptionnelle qui fera date, et l'histoire qui se mettait en place aurait pu avoir la portée et la profondeur du premier film, s'il avait été possible de laisser le scénario se concentrer sur le parcours de K/Joe, le personnage interprété par Ryan Gosling. Malheureusement, pour rassurer les producteurs, et peut être quelques fans, le film est obligé de se diluer dans beaucoup, beaucoup trop de références au précédent, laissant transpirer toute la condescendance que les studios ont pour les vaches à lait que nous sommes : un peu de nostalgie = beaucoup de recettes. Reste que la cinématographie est impeccable, le film est authentiquement spectaculaire, comme aucun film d'anticipation ne l'a été depuis bien longtemps. Parmi toutes les "sequels"/"reboots" de films des années 80s, Blade Runner est le seul à avoir réussi à garder une certaine élégance, et même à introduire de l'originalité, malgré les défauts finalement peu nombreux, mais très encombrants.