Jean Dujardin et Cécile de France sont tous deux d'excellents acteurs, capables d'imposer la densité de leur jeu tant dans des rôles légers que dans des rôles dramatiques, aussi le choix d'Éric Rochant de les réunir pour en faire le couple tête d'affiche de "Mobius" était-il une très bonne idée. D'ailleurs, même si l'on a affaire à un film d'espionnage, c'est bien l'histoire d'amour, brûlante, fiévreuse, entre l'agent du FSB, Grégory Loubov/Moïse, et Alice, la tradeuse surdouée, qui capte l'intérêt, bien plus que l'intrigue politico-financière, poussive et compliquée. L'histoire se passe entre Monte-Carlo, la Russie et la Belgique. Ambiance chic et froide, ça parle raison d'État et manipulation à tous les étages. D'un bord ou de l'autre, les protagonistes évoluent à travers les arcanes d'un complot américano-russe dont les enjeux, dictés par les intérêts nationaux supérieurs, interdisent tout rapprochement affectif. Pas de sentiments, pas de liens de dépendance. Dans ce film à l'action lente, le Britannique Tim Roth prête ses traits à Rostovski, oligarque insensible, menaçant, dont la toute puissance se traduit, si besoin, par des représailles expéditives. On retrouve aussi la rare Émilie Dequenne dans le rôle de Sandra, co-équipière de Loubov. Jean Dujardin est plutôt bon. Il incarne un Moïse ténébreux dont le professionnalisme va se fêler par amour. Cécile de France a une classe folle. L'espionnage, avec ses intrigues à tiroirs, est un genre réputé difficile à maîtriser. Sur le papier, le scénario, les acteurs, rien à redire. Pourtant, malgré ces atouts, l'histoire, embrouillée, manque trop d'épaisseur dramatique pour nous scotcher au fauteuil. Sans parler des scènes érotiques qui surjouent la tension charnelle et d'une fin bâclée. Le film, sans doute trop ambitieux, n'est pas abouti. On garde quand même en mémoire l'échange de regards au salon-bar, intense, où l'attirance réciproque est palpable, et la scène au restaurant, à la fin, quand chacun comprend qui est vraiment l'autre et quel était son rôle.