Retour du réalisateur Eric Rochant au genre qui a fait sa renommée avec "Les Patriotes", "Möbius" est incontestablement un film atypique, puisqu’il s’agit d’un film d’espionnage réaliste se refusant à toutes scènes d’action. Même "Agents secrets" de Frédéric Shoendoerffer, qui voguait dans les mêmes eaux n’avait pas osé aller si loin (on se souvient encore de l’artificielle séquence de l’autoroute). Et, au final, c’est plutôt une réussite et, surtout, un film intéressant. L’intrigue, tout d’abord, évite l’écueil habituel des vilains terroristes fanatiques pour s’intéresser à des méchants bien plus pragmatiques et crédibles et dévoile subtilement ses tenants et ses aboutissants (conformément au nœud dont le film tire son titre). Je craignais, d’ailleurs, que le souci de réalisme dont se prévalait le réalisateur prenne le pas sur l’attrait et surtout sur la clarté du scénario. Or, et c’est une bonne surprise, la mission (ou plutôt les missions) sont tout à fait compréhensibles et, surtout, ne souffre pas de l’austérité qu’on était en droit de redouter (là encore, le souvenir du raté "Agents secrets" reste vivace dans mon esprit). Il faut dire que, si Rochant a fait le choix de se passer de course de bagnoles spectaculaires et autres explosions en tout genre qui viennent dynamiter les productions de cet acabit, il n’en a pas moins soigné ses paysages (superbe Côte d’Azur) et sa photographie (avec une image très chaude). Cette beauté formelle fait totalement oublier la nature très terre à terre de l’intrigue et apporte un peu de rêve à cette mission. Le réalisateur peut, également, compter sur la qualité de son casting avec des seconds rôles très réussis (Tim Roth en milliardaire russe qui n’est pas sans rappeler Roman Abramovitch et qui surprend par ses failles, Emilie Dequenne en complice discrète, Alexi Gourbonov en flippant homme de main…) et, bien évidemment, un duo vedette formidable et tellement glamour. C’est, d’ailleurs, tout le paradoxe du film puisque la relation entre cet agent russe (Jean Dujardin, impeccable de charisme et de virilité) et cet agent de la CIA (Cécile de France, superbe et tellement touchante) est un des moteurs du film mais, également, une de ses limites. En effet, même si on ne peut qu’être ému par le sort de ces deux agents condamnés à souffrir de cette relation (et don le destin va s’avérer funeste), j’ai trouvé que leurs scènes d’intimité prenaient trop souvent le pas sur l’intrigue et, surtout, que les scènes hot étaient franchement too much. Les gros plans sur leurs visages en plein orgasme avaient-ils vraiment leur place dans ce genre de film ? Idem pour les plans sur leurs corps, qui apportent, certes, un côté charnel à cette relation et au film en général, mais qui sont beaucoup trop nombreux ! Cette disproportion m’a d’autant plus gênée que j’avais déjà été un peu perturbé par la crédibilité de leur coup de foudre et les risques invraisemblables qu’ils étaient prêts à prendre. Autre défaut, plus classique et inhérent au parti-pris réaliste de Rochant, j’ai trouvé la fin trop abrupte. Il m’a, ainsi, manqué une conclusion un peu plus noire, soit par le biais d’une quête vengeresse, soit par un sort plus définitif à cette relation, dont on ne sait pas vraiment ce qu’elle va advenir. Mais, et c’est un autre paradoxe, cette fin permet à "Möbius" de tirer un peu son épingle du jeu et prouvent définitivement, qu’il est possible de faire in film d’espionnage réaliste sans en faire des tonnes. Et vu que je m’attendais à un, raté, j’ai été vraiment agréablement surpris…