Je compatis pour toute l'équipe du film... Quelle déception de voir que sa réception n'est pas du tout à la hauteur de ses prouesses... Mais en même temps, comment plaire à tout le monde quand on construit un film aussi émotionnellement engagé, avec une telle finesse, une telle sensibilité? Le parti pris bouscule les codes, et évidemment, finalement, que ça ne plaît pas à tous, et que ce n'est pas accessible à tous.
Comment croire à cette sincérité des acteurs, à moins de l'avoir vécue ou frôlée? C'est un beau cadeau que vous nous offrez en incarnant ces deux personnages qui tombent en accord parfait. Par contre, contrairement à ce que j'ai vu et entendu, je ne trouve pas que Cécile de France soit la seule mise en avant dans la scène des premiers ébats entre les deux personnages. Si le temps de présence à l'écran avantage le personnage d'Alice (et montre une Cécile de France aux limites d'elle-même, frôlant le génie), je trouve personnellement que Jean Dujardin réussit un challenge encore plus élevé : ça valait le coup de réviser la "stone face", parce qu'on est dans le Stanislavski le plus poussé que j'ai jamais vu. Que d'émotions dans un seul regard... Pour moi, c'est pour ce film qu'il aurait du avoir un Oscar. C'est brillant, tellement que ça en donne le vertige, et que, pour une fois, c'est difficile de se rendre compte qu'on est face à une fiction. Bravo en tout cas, d'arriver à amener des gens qui comme moi qui réfléchissent toujours beaucoup, à un lâcher prise, et à simplement se couler dans une histoire. Le contenu est tellement riche, tellement intime, tellement vrai, tellement sans filtre, que ça marche complètement. Je n'ose même pas imaginer le trac avant de tourner la scène, et la déferlante d'émotions après coup...! Très inspirant! Très, très! Bravo!
Seul petit hic, côté rationnel pour le coup : on a du mal à comprendre pourquoi ces deux personnages se sont lancés dans des situations aussi dangereuses. Les dialogues nous énumèrent des caractéristiques psychologiques, mais qui ne vont pas réellement au coeur des motivations profondes des personnages. Pourquoi Grigori est-il devenu meurtrier à 17 ans? Qu'est-ce qui fait qu'Alice est devenue aussi cynique? C'est bien dommage, parce que travailler sur ces raisons aurait réussi à monter d'un cran la qualité du film. Mais on voit que la priorité du scénariste a été de travailler l'intrigue plutôt que la psychologie des personnages.