Sublimement mis en scène, intelligemment raconté, magnifiquement interprété, les périples douloureux d’un noir nord-américain, kidnappé et soumis à douze années d’esclavage, lauréat de l’Oscar suprême 2013, 12 Years a Slave, est pourtant nimbé d’un académisme de tous les instants. Si le film se veut une réussite critique et commerciale pour un cinéaste qui le vaut bien, beaucoup s’entendent pourtant pour crier haut et fort qu’au nombre de trois, celui-ci n’est pas le meilleur long-métrage qu’a diriger Steve McQueen. Réalisateur encore peu connu il y maintenant presque cinq ans, soulignons que le bonhomme, toujours accompagné du prodigieux Michael Fassbender, aura livré Hunger et Fame, deux films bien plus personnels que celui-ci. S’il n’a jamais été récompensé jusqu’alors, il est légitime alors d’y voir l’attrait profond pour les sujets bateaux de la part de l’académie des Oscars.
Bref, inutile de débattre. Steve McQueen est enfin couronné pour son travail et 12 Years à Slave est un excellent film, un film fort et techniquement imparable. Considéré comme beaucoup comme l’antithèse du Western vengeur de Tarantino, le film de McQueen s’appuie sur une documentation rigoureuse, sur une reconstitution minutieuse. L’époque évoquée est morose, sans le moindre doute, et le cinéaste ne s’emploie pas uniquement à dénoncer mais aussi à tenter de comprendre. La loi est la loin et nul n’est censé l’ignorer. Soulignons que l’esclavagisme était un droit légitime pour les propriétaires terriens et états du sud, droit immonde mais tout de même appliqué par bon nombre. Le film de Steve McQueen ne dresse pas pour autant un tableau élargi de cette condition mais s’oriente simplement vers le dénommé Solomon, enlevé à sa famille et envoyé comme esclave dans les plantations de Louisiane.
Il faillait pour tenir le pari des acteurs très solides. Si personne ne sera étonné de la prestation aussi diabolique que jouissive de Michael Fassbender, un habitué, ni même des quelques belles apparitions de Brad Pitt, Benedict Cumberbatch ou encore Paul Dano, le film est tout de même majoritairement porté par le épaules de Chiwetel Ejiofor et Lupita Nyong’o, cette deuxième ayant été sacrée elle aussi aux Oscars. Incarnant à la fois la faiblesse et la force du peuple persécuté à cette époque de notre histoire, les deux comédiens s’emploient à trouvé un équilibre entre mélodrame, résignation et révolte. Personne ne pourra finalement dire que l’histoire finit bien, même si les évènements pourront être favorables à certains. Révolté mais très pragmatique, le cinéaste revient sur l’histoire de ses ancêtres africains avec une pleine humilité. Jamais le but de McQueen ne sera réellement de révolter le public, coutumier du malheur à l’écran, mais plutôt de simplement raconter une histoire, comme il l’avait fait d’un gréviste de la faim de l’IRA dans les geôles britanniques, comme il l’avait fait d’un sex-addict dans le New-York de tous les vices.
Brillant techniquement, brillant dans le choix de ses acteurs, eux-mêmes brillants, Steve McQueen semble pourtant vendre son indépendance artistique au profit d’une plus large renommée. S’il est impossible d’en vouloir au cinéaste, qui travail ici d’arrache pied pour livrer l’un des tous meilleurs films sur l’esclavage à ce jour, l’on préfère cependant le Steve McQueen indépendant de ses deux premiers essais, un Steve McQueen que l’on espère retrouver dans un avenir proche, alors qu’il assure maintenant ses arrières du fait d’une certaine renommée. Quoiqu’il en soit, 12 Years à Slave est une expérience que l’on en peut éviter. La qualité du film est indéniable, mais le tout manque de personnalité et s’avère l’archétype de ce que le cinéma à fait, finalement, de moins surprenant. 16/20