Après avoir vu "Case départ", un film au message raté sur l’esclavage tourné plus ou moins en dérision aux situations aussi cocasses que ridicules, si ridicules que ça en est amoral, voire même immoral, j’avais besoin de regarder quelque chose de plus sérieux sur le sujet. C’est chose faite avec "12 years a slave", sans savoir que ce film se base sur des faits réels, et plus précisément sur l’histoire de cet homme qui disparaitra de ce monde dans des circonstances restées inconnues à ce jour. Voyant la superbe critique décernée à la fois par la presse et par les cinéphiles, je m’attendais à un grand film. Et ça en est un. McQueen signe ici sa meilleure réalisation, très appliquée, nous régalant d’une multitude de plans superbes, qu’ils portent sur la nature ou sur les portraits, offrant une belle opportunité au photographe de prendre de bien jolis clichés. Pourtant la photographie n’était pas dans la course aux Oscars, mais dans celle aux Bafta awards. Quant au réalisateur, sa rigueur et son savoir-faire ont été récompensés puisque ce film fut reconnu comme étant le meilleur film aux Oscars et aux Bafta. Mais pas de statuette en tant que meilleur réalisateur… à aucune des deux cérémonies. Eh bien je reconnais qu’il manque cet éternel quelque chose d’indéfinissable pour que ce soit un véritable chef-d’œuvre. Un quelque chose qui se résume pourtant à pas grand-chose, mais qui fait toute la différence avec des films de cet acabit. On note quelques petites longueurs ici et là, mais rien de vraiment compromettant quant à la grande qualité du film. Dans des décors somptueux, il traite un sujet grave qui ne glorifie en rien l’être humain. En regard de ce film, et de l’histoire en général, on se rend bien compte que le plus redoutable prédateur de l’homme est… l’homme. C’est le constat que l’on peut faire en voyant ce dont l’être humain est capable en matière d'atrocités. Evidemment, on savait déjà que l’esclavage est un fait de société (peut-on vraiment parler de fait de société ? mais je n’ai pas d’autre expression qui me vient à l’esprit) bien peu reluisant, pas du tout même. "12 years a slave" n’apporte donc aucune réelle surprise, étant doté d’un classicisme qui peut en rebuter quelques un. Mais peut-on vraiment faire dans l’originalité sur un tel sujet ? Le souci a été de rester aussi crédible que possible, en faisant ressentir la gravité de cet épisode que je qualifierai de noir (si j'ose dire) dans l'histoire de l'humanité. C’est réussi, parvenant à provoquer chez le spectateur bien des sentiments, comme la honte, l’indignation, la révolte et toutes sortes de sentiments apparentés. Il faut dire que la prestation (que dis-je? la performance !) de l’acteur principal Chiwetel Ejiofor est superbe, magnifique, littéralement bluffant dans la peau d’un homme étonnamment libre dans ce contexte, mais qui se retrouve malgré lui du jour au lendemain sous le joug de l’esclavage et se voit réduit à être traité comme un animal, quoique… même les animaux sont (en général) mieux traités. Avec la mise en scène de McQueen, Ejiofor réussit à apporter bien des émotions, avec 3 scènes particulièrement fortes : d’abord le début de sa captivité (scène particulièrement violente), la pendaison (scène interminable sous le regard voilé des uns et des autres), et la séquence où Patsey est fouettée (scène où on voit la haine teintée de folle bestialité s’exprimer de façon hallucinante). N’oublions pas non plus l’excellente copie rendue par Michael Fassbender, cruel à souhait et justement qualifié de casseur de nègres. Maîtrisé, "12 years a slave" est donc un film qui ne laisse pas indifférent, bien que je soupçonne que McQueen ne traite pas tous les éléments des mémoires écrites par Solomon Northup, ce qui nous évite un film à la durée marathonienne. Malgré ce classicisme évident dont j’ai parlé plus haut, ce film fut en course en 2015 pour 9 statuettes aux Oscars (il en obtint 3), et 10 aux Bafta awards 2014 (2 obtenus). Rien que ça… Un film qui m’a donné envie de redécouvrir "Amistad", de Steven Spielberg, et dans lequel on retrouve un certain... Chiwetel Ejiofor.