Le blockbuster adolescent dans toute sa majesté : intelligent, vif, sensible, douloureux, férocement sombre, et même opulent dans son budget. Bref, une suite qui dépasse en tous points le segment initial pour atteindre la réussite totale. Dans cette suite, Katniss Everdeen est rentrée chez elle saine et sauve après avoir remporté la 74ème édition des Hunger Games avec son partenaire Peeta Mellark. Puisqu’ils ont gagné, ils sont obligés de laisser une fois de plus leur famille et leurs amis pour partir faire la Tournée de la victoire dans tous les districts. Au fil de son voyage, Katniss sent que la révolte gronde, mais le Capitole exerce toujours un contrôle absolu sur les districts tandis que le Président Snow prépare la 75ème édition des Hunger Games, les Jeux de l’Expiation, une compétition qui pourrait changer Panem à jamais… L’intelligence et la réflexion sombre sur la guerre, la dictature, les manipulations, l’empathie étaient déjà au centre du judicieux et très abouti premier volet. Avec "Hunger Games : L'embrasement", on remet les couverts. Exit le survival adolescent intimiste qui émanait du premier volet. Cette suite peut s’offrir cette fois-ci un budget conséquent, des effets spéciaux anoblis et une forte empreinte esthétique qui ne trahit jamais le parti pris naturaliste du film de Gary Ross. Francis Lawrence aux manettes (le chichiteux réalisateur de "Je suis une légende", "De l’eau pour les éléphants"), on pouvait redouter un style ampoulé, opposé à la simplicité touchante des premières pierres posées. L’apport esthétique est bien réel, mais il n’est en rien une trahison aux idées premières de la saga, puisque le film s’inscrit dans la lignée directe de son prédécesseur, avec une structure identique. "Hunger Games" commençait par une séquence de chasse forestière, se développait en préparatifs d’un show télévisé bling bling pour se poursuivre en jeu de télé-réalité sauvage, avec une chasse à l’homme filmée, assez violente pour un teen movie. En toute fin, se levait la promesse d’un embrasement politique, quand les opprimés croient reconnaître en la grande gagnante des jeux de la mort, Katniss, le leader potentiel ou du moins le symbole inespéré d’une rébellion contre un pouvoir dictatorial qui se nourrit du labeur du bas peuple divisé en sections qui n’ont en aucun cas le droit de communiquer entre elles. Le second segment démarre de la même façon, avec des scènes qui font toujours écho au premier film : il s’agit de répéter les traumas d’une guerre aux conséquences psychologiques indélébiles pour la gagnante Katniss. On suit donc des chemins narratifs assez semblables mis en exergue par une mise en scène vraiment impressionnante de beauté et d’efficacité. La copie de l’originale est ainsi évitée, a priori, par la prestance de la réalisation, à la fois fidèle mais plus puissante, plus belliqueuse, alors que même sur un plan politique, rien ne bascule vraiment, "l’embrasement" n’est qu’un titre, une parade pour alimenter le suspense et nous préparer à davantage de chaos. "Hunger Games" serait-il alors déjà en mode reboot ? Ne serait-ce pas là qu’une relecture friquée du premier opus ? Loin de là ! Si les premières minutes peuvent encore ennuyer, ce qui était le cas du premier chapitre qui était longuet, si l’on est encore accablé par la présence fade de Liam Hemsworth, au personnage romantique insipide digne d’un "Twilight" (d’ailleurs cette figure ressasse l’idée d’une hésitation sentimentale entre deux hommes pour l’héroïne), on comprend très vite où l’auteur et le réalisateur veulent en venir. Le scénario malin égraine intelligemment ses indices, jette des pistes, ouvre des portes et des perspectives d’un réel éclatement du système totalitaire. Dans un jeu de miroir où le double meurtrier n’est pas forcément celui que l’on croit, la manipulation opère et ose le rebondissement sur un pitch pourtant identique au premier. La fronde, la rébellion, est bien là, elle est latente, pesante, alors que la tyrannie agite encore sa main de fer, celle du fouet et des armes qui éradiquent la moindre saillie. "Hunger Games : L’embrasement" prépare donc le boulot pour un final qui sera exploité en 2 films, mais en tant que segment transitoire, il se révèle nettement plus passionnant que son prédécesseur. Francis Lawrence muscle vraiment la réalisation, lui donne une race; elle se fait magnifiquement l’oracle d’une tragédie, celle de l’oppression sur le peuple évidemment, d’un sacrifice individuel face au devoir collectif. Le sentiment d’injustice est prégnant face aux tours détestables du président Snow (Donald Sutherland), prêt à tout pour annihiler le symbole de rébellion potentiel que représente Katniss, y compris à altérer cruellement les règles du jeu de la mort pour l’y catapulter une seconde fois... L’anti-héroïne Katniss, intelligemment jouée par Jennifer Lawrence, est froide, surtout animée par la rage, celle de vouloir défendre sa famille. Héroïne malgré elle... Élue malgré tout. Sa force virile de chasseuse née ne lui ôte nullement sa sensibilité et son sens de l’empathie qui est communicatif et nécessaire à sa survie et à la connivence du spectateur. Son calvaire, c’est d’abord celui des autres qui passe par son regard, ses sentiments naissants pour Peeta, personnage a priori plus faible de caractère, avec lequel elle forme un faux couple, en début de film, pour sauver sa peau aux yeux du Capitole, la rend toujours plus remarquable d’humanité et donc plus tragique dans ses choix douloureux. Elle voit désormais la mort partout, et le poids des cadavres laissés derrière elle est un lourd tribut à sa victoire. Cette destinée qui s’obstine à s’imposer à elle et qu’elle refuse de prendre à bras-le-corps, pendant tout le film, évoque celle d’Harry Potter qui doit très tôt se préparer au combat contre Voldemort et prendre conscience des desseins qui sont les siens, quelque chose qui le dépasse pour s’inscrire dans l’acte sacrificiel. C’est effectivement un dilemme monstrueux au centre duquel le réalisateur et les scénaristes situent la jeune femme et qui nourrit une pression qui semble ne jamais vouloir retomber. Le ton est poignant, le rythme de plus en plus haletant, oppressant. Peut-être dérangeant. Dans "Hunger Games : L’embrasement", il est difficile de savoir sur qui pouvoir compter; alors, plus que jamais, la nécessité de trouver un allié pousse Katniss à des unions contre nature et les nouveaux personnages, adversaires ou non, sont de belles trouvailles que je vous laisserai découvrir. Une fois plongé dans l’arène, un décor où tout évoque la série "Lost", même un brouillard meurtrier, aux parfums vaporeux et morbides qui rappellent la fumée noire que l’on trouvait sur l’île énigmatique de J.J. Abrams, le danger devient total avec des éléments perturbants qui transcendent encore les pièges du premier film. La nature vierge et pourtant virtuelle de l’aire de jeu devient primitive, tout en restant futuriste. La fin est vénéneuse et le budget consistant opère un effet réel sur l’action qui, interrompue seulement par l’apparition du logo de la série, s’arrête soudainement, en plein milieu des événements. On n’en reste pas avec un sentiment d’inachèvement, ni même de frustration, le spectacle ayant été intense, mais plutôt avec le goût délicieux d’une fin couperet que l’on n’attendait pas tomber si vite, lors d’un sommet d’intensité absolument capiteux. Sinon les acteurs sont au top (Jennifer Lawrence, Josh Hutcherson, Woody Harrelson, Lenny Kravitz, et les petits nouveaux Jena Malone et Sam Claflin pour ne citer qu'eux), les décors sont sublimes, la photographie est très soignée, les costumes sont splendides et la réalisation est très propre ainsi que la mise en scène. J'ai vraiment adoré ce film franchement puissant, on est plongé dans un univers si particulier, avec cette histoire complexe et imposante où pas mal de thèmes forts sont abordés (oppression d'un peuple par la peur, dictature, conséquence de la mort, etc...). L'ambiance générale est beaucoup plus pesante et sombre, pas gore mais assez choquante par moments. Les enjeux ont beaucoup plus d'ampleur et cela offre une toute autre dimension qui nous prend aux tripes tout du long. On a deux parties bien distinctes mais fortement liées et aux conséquences qu'il me tarde de découvrir. Le triangle amoureux est un peu moins présent dans cette suite mais est toujours aussi bien amené, ce n'est pas un film romantique mais cette histoire d'amour prend une place importante dans l'intrigue, elle est justifiée et c'est ce qui la rend si appréciable. Le film se termine sur un cliffhanger frappant, une révélation dramatiquement très forte qui nous donne hâte de voir la suite. Bref, un film à voir impérativement pour tous ceux qui ont aimé le premier film