Deuxième volet de la saga « Hunger Games : Catching Fire » est confié à Francis Lawrence dont l’œuvre cinématographique se caractérise jusqu’alors par une grande maîtrise technique et un côté américain bien pensant assez pesant, allant jusqu’à trahir « I am a Legend » de Richard Matheson. Le pire était donc attendu après un premier film très convenu, réalisé par Gary Ross. Le thème principal est la manipulation visuelle au travers de jeux violents, mortels et sanglants, organisés par la télévision d’état, créant précisément une ambiguïté évidente, puisque c’est ce spectacle que déroulait le film, le spectateur se trouvant ainsi aussi manipulé dans la vie réelle que dans la fiction qui nous est montrée. Sans renier cet aspect, Francis Lawrence s’est attaché à l’envers du décor et aux conséquences insurrectionnelles de cette manipulation, qui génére une facture sociétale entre le Capitole et les Districts. Vers la minute 22 Haymitch (Woody Harelson) explique aux deux tourtereaux que désormais leur vie appartient aux spectateurs (« Every year, your private life become theirs »), alors que le président manipulateur, lui même manipulé par le grand juge Plutarch Hevanesbee (Philip Seymour Hoffman), encore plus machiavélique que lui, va lancer un Hunger Games avec des vainqueurs de chaque District. Ce sont donc 24 héros adulés qui, comme le signale le présentateur (Stanley Tucci), mourront tous à l’exception d’un seul. Cette terrifiante idée de scénario est remarquablement travaillée par les auteurs qui insistent sur l’aggravation de cette fracture, dans une première partie un peu longue, mais nécessaire, dans laquelle se succèdent des moments de très grande intensité, de la rencontre entre Katniss et le détestable Président Snow (Donald Sutherland), jusqu’à la transformation de la robe de mariée qui signe l’arrêt de mort de Cinna (Lenny Krawitz), en passant par la tournée dans le District 11 fortement chargé en émotion qui sont des immenses moment de cinéma. Car c’est toute la force du réalisateur, de s’adresser à la raison en renforçant la démonstration par l’émotion, celle qui avait tellement fait défaut dans « Water for Elephants ». C’est sur ce plan, où on l’attendait le moins, que Francis Lawrence fait preuve d’un talent aussi certain qu’inattendu, comme par exemple le « you deserve better » d’une Effie (Elizabeth Banks) en larmes, dont le masque vient de tomber. De même, les émotions, exacerbées par les traumatismes des premiers hunger games, imposent progressivement à Katniss Everdeen de devenir, malgré elle, le symbole de la révolution qui s’annonce. Remarquablement photographié (exit la camera tressautante du début du film de Gary Ross, dans le District 12 et les scènes d’émeutes illisibles du District 11, ou encore la confusion du début des jeux proprement dit), le réalisateur et son directeur de la photographie, Jo Willems, offrent un visuel de très haut niveau, ponctué par la musique pertinente et impactante de James Newton Howard. Cette qualité technique au service d’un scénario très travaillé, dont les dialogues sont remarquables, même s’il faut au moins deux visions pour s’en apercevoir (comme par exemple Peeta qui explique que sa couleur préférée est orange, mais pas comme les cheveux d’Effie, mais comme un soleil couchant), accompagne un casting remarquable (sauf Liam Hemsworth un peu trop fade), dominée par une Jennifer Lawrencen qui en alternant distance glaciale et implication passionnée, résolution logique et dérive traumatique, offre une force peu commune qui éclabousse l’écran de tout son talent. En évoluant d’un film pour teen attardé vers un spectacle pour adultes, dont Jena Malone dans le rôle de Johanna Mason en est le révélateur le plus flagrant, Francis Lawrence livre un très grand film.