Samsara est, sur le papier, un documentaire très ambitieux et original : filmer, sans la moindre parole, sans le moindre commentaire, des images venues de 25 pays différents pour tenter de capter un état de l'humanité aujourd'hui. Sur le plan formel, difficile de ne pas admirer le travail de Ron Fricke. On ose à peine imaginer les années de travail, la recherche de toutes ces images et la façon de les assembler au montage. Son talent visuel est indéniable, il réussit à trouver un style, un point de vue original, évitant chaque fois le piège d'un film « carte postale ». Les images sont d'une grande beauté, et nous emmènent à la fois vers des coins de natures pures, totalement isolées, et des mégapoles industrielles où tout se passe à grande vitesse. Le montage est réussi, et parvient à nous faire, par sa seule force, suivre le film sans perdre l'attention. Pourtant, il aurait été facile pour le spectateur de se perdre, à travers ces images hétéroclites réunies sans voix-off ou ancrage narratif. Mais le montage, par un effet d'association, de rimes, parvient à lier tout ce kaléidoscope planétaire avec une grande précision. Par exemple, les danseuses orientales qui ouvrent le film deviennent une sorte de déesse aux cent bras lors de la fin. De même, au volcan initial répond le désert. Ou encore, la fresque de sable bouddhiste, est d'abord un acte de création d'une grande précision, avant d'être détruit comme un signe de l'éphémère de notre existence. C'est là un symbole de toute l'humanité selon Ron Fricke : l'homme, quelque soit le pays, crée et détruit son monde. Cependant, « Samsara » reste par moments inégal, et ses choix esthétiques peuvent dérouter ; par exemple, j'ai du mal avec ces gros plans récurrents sur des visages considérés comme « pittoresques », qui semblent prendre la pose sans comprendre ce qui se passe. Mais disons que, dans l'ensemble, c'est un film visuellement très réussi. Sur le fond, par contre, c'est plus difficile. Le fait de ne pas proposer de commentaire est pertinent, je trouve, car cela permet d'éviter un côté moralisateur, culpabilisant, ou juste lourdingue. Le film se comprend sans aucun mot, par la force de ses images. Le spectateur peut faire le travail de réflexion par lui-même, sans être gêné par un commentaire qui lui impose un point de vue. Cependant, le parti pris de Ron Fricke reste évident, et parfois trop caricatural : en gros, l'homme détruit la nature et court à sa perte. La cause que défend le réalisateur est juste, mais je lui reproche de l'illustrer de façon simpliste : ainsi, on peut voir se succéder les animaux abattus, l'usine de fabrication de la bouffe, les supermarchés, et au final trois obèses dans un fast-food. Ce point de vue pessimiste sur le monde industriel tombe un peu dans la caricature, donc. Un propos un peu facile, donc, mais qui a le mérite de s'écrire sous une forme originale et audacieuse.