D'un super faux trailer à une première aventure en long, le personnage de Machete Cortez a fait du chemin. Le revoici, trois ans après sa première escale au cinéma, pour le meilleur et pour le pire.
"Machete Kills" a d'abord pour qualité une ambition de spectacle que Rodriguez assure franc-jeu. Son film, délire total, regorge, ici et là, d'éléments de comédie et d'originalité. Je pense notamment au personnage du Caméléon, personnage assez génial, aux visages multiples et infinis. C'est dans ce genre de caractère que "Machete Kills" tire son meilleur parti, dans l'irrationnel total. Car le cinéaste ne recule devant rien. Armes loufoques, personnages hystériques, enjeux dingos : tout se savoure avec délectation... tout en écoeurant.
C'est que dans "Machete Kills", la pancarte du "c'est cheap et con mais c'est fait exprès" est plus difficile à accepter pleinement, car le cinéaste, dans son enthousiasme, n'évite pas les négligences de base qui font l'appréciation d'un film. Dans "Machete Kills", il y a donc 20 bonnes minutes en trop, s'attardant parfois sur des personnages inutiles ou des intrigues peu intéressantes, étirant la chose jusqu'à plus soif. La mise en scène, parfois trop plan plan, rend certaines scènes d'action stagnantes, et donc peu palpitantes. Une mollesse accentuée par la longueur de certains passages. Aussi, les évidents effets spéciaux, sans doute eux aussi "ratés exprès", apparaissent davantage comme un geste de fainéantise facile, plutôt que comme des effets de style voulus. C'est là le problème parfois criant de "Machete Kills". Dans sa kitscherie absolue, le film essaie de faire comprendre que tout cela n'est que rigolade et parodie d'un genre de cinéma depuis longtemps dépassé. Le fait même de reprendre ce style de cinoche, car c'est de ça qu'il s'agit ici, ne semble, dans l'esprit du spectateur, pas être la source d'un plaisir que le cinéaste voudrait ultime. Rodriguez ne revisite pas la science-fiction James-Bondesque comme Tarantino revisite le western. A chercher dans son cinéma la moindre facilité pas encore exploitée jusqu'à la moelle, Rodriguez ne convainc pas toujours et se piège lui-même. Et pourtant...
Pourtant, c'est dans "Machete Kills" que l'on sent toute la joie de Robert à filmer tout et n'importe quoi, quitte à en faire trop. Ses idées, tant dans l'esthétique architecturale visuelle, clairement cheap mais délicieuse que dans les apparitions/disparitions des personnages, sont le fruit d'un amour évident pour ce genre de cinéma. C'est alors qu'on se prend à apprécier un casting dément avec le sourire. Mel Gibson, cerise sur le gâteau, est génial en méchant mégalo, sa classe naturelle étant magnifiée. C'est quand le film va mal que son apparition remonte le niveau. Amber Heard, sexy en diable, apporte une fougue impressionnante à chacune de ses apparitions et le reste des trognes du Caméléon, à savoir Walton Goggins (acteur génial de "The Shield" et déjà vu cette année dans "Django Unchained", tiens tiens), Cuba Gooding Jr. (le superbe acteur de "Boyz N the Hood"), Lady Gaga, et l'inévitable Antonio Banderas, qui en fait des tonnes mais qui le fait bien. L'intrigue de SF de pacotille faisant le reste, avec ce que cela implique de repère spatial et d'éléments parodiques à outrance, des clones aux pistolasers, on prend quand même un certain pied.
"Machete Kills" est un film très inégal, parfois vraiment ennuyant, mais qui, par quelques fulgurances d'idées multiples, se rattrape souvent. C'est le prix à payer pour pouvoir, je l'espère, découvrir bientôt le dernier volet de la trilogie, déjà présent sous forme de bande annonce absolument hilarante dans cet épisode, titré "Machete Kills Again... In Space". Histoire de voir jusqu'où ira le délire et la limite de Rodriguez, tant dans sa régression que dans son apogée.