Fred Soupa est un habitué des documentaires, qui abordent les thèmes du social et de la musique du monde. Il a réalisé beaucoup de documentaires de 26 mn, et également un magazine de 22 x 26 mn diffusé pendant deux ans sur Muzzik puis Mezzo. Nos Plusieurs est cependant le premier d'entre eux à faire l'objet d'une exploitation en salles.
Le documentaire a été filmé dans le cadre du Festival futur composé, qui a lieu tous les deux ans. Son objectif est d'entamer une réflexion sur les méthodes d'approche alternatives autour de l'autisme au travers d'activités artistiques (représentations théâtrales, concerts, projections, expositions).
Dans la mesure où le réalisateur s'est toujours montré très intéressé par l’ethnologie et le social, il aurait été logique de penser que c'est l'envie de faire connaître ces acteurs autistes qui a motivé son documentaire. Or, celui-ci affirme que son intérêt a avant tout été suscité par le texte mis en scène, le Mahâbhârata. C'est la raison pour laquelle on ne peut considérer son œuvre comme "un film SUR le handicap". Ce dernier n'est d'ailleurs jamais explicitement nommé, le cinéaste voulant "donner la priorité au récit et à la dramaturgie". Il reconnaît cependant que le texte est parfois dépassé par l'humanité qui se dégage des acteurs eux-mêmes.
Le Mahâbhârata est le plus long poème épique jamais écrit, et l'un des textes fondamentaux de la culture indienne. Comptant 250 000 vers et 90 000 strophes réparties en dix-huit livres, le tout en sanskrit, il raconte la guerre entre les fils du roi Pându contre ceux du roi Dhritarâshtra, son frère aîné, et s'avère être une source d'inspiration inépuisable pour le cinéma, la musique, le théâtre et la philosophie indienne. A l'instar de l'Iliade ou l'Odysée, il fut rédigé de manière collective entre le quatrième siècle av. J.-C. et le quatrième siècle de notre ère.
S'il laisse l'histoire personnelle des acteurs transpirer à travers leur interprétation, le réalisateur s'est néanmoins refusé à tout portrait plus formel. Ainsi, nous ne saurons rien de l'âge, de la famille ou encore du milieu socioculturel des membres de la troupe. L'objectif est d'éviter de tomber dans le cliché, la curiosité mal placée ou la compassion.
Le réalisateur souhaite également inviter ses spectateurs dans une réflexion sur la normalité, notamment en soulignant "le grand paradoxe", qui est de "constater [l'] accessibilité et [la] vérité [des autistes] là où la société entretient de la marginalité, une asociabilité, un repli sur soi...". Cette "immédiateté" observable dans les relations avec des personnes autistes est encore accentuée par la forme théâtrale, qui s'ancre dans l'ici et le maintenant.
A l'origine, Fred Soupa avait décidé de se concentrer sur la co-création résultant de l’interaction d'un acteur autiste et d'un acteur professionnel, interprétant Ganesh et Krishna. Or, il s'est très vite rendu compte que le sujet était bien plus intéressant pensé comme un tout, et ce d'autant plus qu'à travers l'interprétation de ces dieux perçait l'histoire personnelle des acteurs. Ainsi, le réalisateur pense avoir pu montrer une certaine forme de "catharsis" par le théâtre.