Le tournage a été improvisé et le film s’est construit au fur et à mesure : "C’était ça le projet : faire un film avec deux caméras sans rien prévoir à l’avance, enregistrer ce qui se passe au gré des envies et de ce qui arrive. Au final, il y a trois types de séquences : celles où nous avions décidé de jouer, celles où nous menions une réflexion sur notre rapport à la caméra et celles où nous discutions de la relation qu’entretenaient le réalisateur et l’actrice", explique Joana Preiss.
Le film Sibérie a été tourné en numérique pour garder "une totale spontanéité".
Ce qui intéressait Joana Preiss et Bruno Dumont était l’histoire d’un couple de cinéma, un couple d’artistes un peu narcissiques. Selon la réalisatrice, "ces professions exacerbent nécessairement les sentiments en jeu dans une histoire d’amour, mais, alors que je pensais qu’il serait réalisateur, Bruno m’a mis la caméra entre les mains. Pour lui, il était très clair dès le départ que nous devions être tous deux à la fois devant et derrière l’objectif. J’ai trouvé très généreux que Bruno veuille me laisser occuper une telle place. Comme une transmission", confie-t-elle.
Bruno Dumont et Joana Preiss se sont rencontrés en Siberie, d'où le décor du film : "On nous a proposé d’y repartir, en empruntant le Transsibérien. Ce voyage nous est alors apparu comme le meilleur moyen de raconter cette histoire. Il s’est avéré que le dépaysement faisait partie des conditions de projet", raconte l'actrice/réalisatrice.
"Passer des jours et des nuits dans un train, à deux, sans pouvoir en sortir, sauf pour acheter de temps en temps des choses à manger sur le quai, être confronté à l’autre en permanence dans son intimité…", voilà pourquoi Joana Preiss a choisi ce cadre original pour son premier film : "L’extérieur est constamment projeté sur une sorte d’écran, là sous nos yeux, comme un travelling sur un paysage qui pour autant demeure inatteignable", précise-t-elle.
Initialement mannequin, chanteuse et actrice (Fin août, début septembre, Paris, je t'aime), Joana Preiss s'essaye pour la première fois à la réalisation avec Sibérie.
Pour son premier film, la réalisatrice s'est inspirée de Robert Frank, Jonas Mekas, Robert Kramer et Lech Kowalski pour leur "façon dont ils questionnent la frontière entre l’intime et le non-intime (...) ils sont au centre de ce qu’ils racontent mais ils ont un regard distancié sur ce qu’ils filment", explique Joana Preiss.
Etant deux à filmer, Joana Preiss et son partenaire Bruno Dumont n'ont pas fait de distinction entre leurs images respectives : "Les deux caméras étaient interchangeables : nous gardions la liberté de filmer avec la cassette de l’autre, avec la caméra de l’autre. Mélanger les images, filmer ensemble participaient du projet", explique la réalisatrice. La totalité du travail a abouti à 24 heures de rushes, ce qui a rendu le montage assez compliqué.
Avec la fin du film, Joana Preiss souhaitait une rupture forte, "quelque chose de plus contemplatif, plus ascétique et plus mystérieux".