Les films des frères Coen ont cette particularité de baigner dans une poésie douce-amère. Un univers sur la corde à la pointe de la parodie. Comme lorsque l’on marche sur un fil, prêts à basculer d’un côté ou de l’autre ou à la croisée des chemins, sans aucune possibilité de faire marche arrière.
Dire que les frères Coen savent mettre la vie en scène dans tout ce qu’elle a de plus absurde, de fou ou de mélancolique est un euphémisme. Car même dans leurs œuvres les plus dingues, la vie de leurs personnages vraiment pas de tout repos, n’est jamais si éloignée de la réalité que l’on ne pourrait le penser.
De rencontres improbables en situations délirantes, de décisions désastreuses en combats perdus d’avance, de personnages irréels et égarés en répliques cinglantes, Inside Llewyn Davis est un pur produit des deux frangins au look de Dr House au casting sans faille. De la superbe Carey Mulligan, à l’extraordinaire Oscar Isaac et passant par l’irremplaçable John Goodman.
Parfaite représentation du parcours d’un artiste raté, mais phénoménalement talentueux qui, pris dans un cercle vicieux, d’échecs en refus, gâchant ses secondes chances, foule aux pieds l’amitié de certains, prend les mauvais chemins ou les pires décisions, puis retrouvant l’espoir l’espace d’une seconde en oublie les leçons de ses erreurs passées. Un artiste qui malgré tout y croit, fidèle à ses convictions et ses choix et se bat pour peut-être un jour, au bout de son errance, y arriver. Il n’est ainsi jamais le dindon de la farce, mais bien le cœur vibrant d’un univers en effondrement qui gravite autour de lui.
Jamais déprimant, mais grave, mélancolique et incroyablement inspiré, cette semaine dans la vie de Llewyn Davis est touchante et enthousiasmante. En dépit de tous les malheurs qui le touche, il émane une forme de sympathie et d’empathie profonde pour cet original, ce marginal, immense dans la défaite, qui a le courage d’essayer d’être lui-même, mais se retrouve confronté à l’animosité de certains, à l’incompréhension de ses amis comme de sa famille, à la nullité de son label et se voit même affublé d’un chat roux capricieux et fugueur, semblant aussi paumé que lui et répondant au nom fortement symbolique d’Ulysse. Peut-être son double parfait, présent et absent, perdu et opportuniste, libre et insaisissable.
Doté d’une mise en scène lumineuse et d’une beauté stupéfiante, sortie tout droit d’une série de photo des années 60. Délice doux-amer baigné dans une musique folk qui colle parfaitement à l’ambiance mélancolique du film (que l’on soit fan ou pas de musique folk d’ailleurs) et nous colle un bel hommage à Dylan en guise de clôture et même dans son affiche qui rappelle l’album « the freewheelin ». De là à dire que le film lui-même est une immense chanson folk, il n’y a qu’un pas.