Les difficultés, Alexandre Arcady pouvait s’y attendre en réalisant ce film retraçant la terrible histoire de ce jeune Ilan Halimi. Avant même sa sortie, le film fait polémique, lançant le débat sur l’utilité et la nécessité ou non de faire ce film. Certains criant à l’insulte envers la mémoire d’Ilan et au respect de sa famille, d’autres sur le côté malsain de se faire de l’argent sur le dos de cette affaire et de la victime alors que d’autres encouragent au contraire la sortie du film en la prenant comme un message puissant contre l’antisémitisme et d’espoir qu’un tel acte ne puisse recommencer dans le futur.
Dans l'ambiance nauséabonde qui règne en France à la sortie du film avec la montée de l’antisémitisme, l’affaire Dieudonné, etc, ce film a, je pense, toute sa place pour représenter ce devoir de mémoire et rappeler effectivement que l’antisémitisme doit être combattu avec force. Et que tout évènement et discours faisant l’apologie de l’antisémitisme (ou tendant à l'être) peuvent faire basculer certaines personnes, déjà borderline, à commettre ce même genre d’acte.
Il y a aussi le fait que dans cette affaire, tout le monde se souvient du nom de Youssouf Fofana, le chef du gang et que très peu se rappelle du nom de sa victime, Ilan Halimi. Alexandre Arcady le dit d’ailleurs en expliquant l’une des raisons qui l’a amené à réaliser ce film, « C’est paradoxal de penser qu’en France les bourreaux sont plus connus que les victimes.» Et si en soit, ce film peut servir de soutien à la mémoire d’Ilan et alerter l’opinion publique, notamment auprès des plus jeunes, alors la question ne se pose plus.
On peut également préciser que beaucoup n’ont pas eu le courage d’aider au financement de ce film, puisque ni France Télévisions, ni Canal+ et ni même le CNC ne se sont mouillés à tout ça, compliquant considérablement la tâche à Alexandre Arcady qui s’est donc battu lui-même pour que ce film puisse sortir en salle.
Mais puisque ce film est sorti en salle, parlons-en et traitons tout de même de l’aspect cinéma... Le film étant adapté du livre « 24 jours », co-écrit par la mère d'Ilan, Ruth Halimi, qui a d’ailleurs également co-signé le scénario, l’histoire reste parfaitement fidèle et heureusement, donner une image déformée ou non exacte de l’affaire aurait pu renforcer la polémique. De la détresse de la famille, de l’atrocité de la séquestration, en passant par les erreurs ou les fautes commises par la police et le silence de ceux qui savaient ce qui se passait, le portrait dressé est réel et d’autant plus choquant. Il est donc difficile de juger le scénario qui semble plutôt authentique et qui est d’ailleurs présenté du point de vue de la mère qui introduit et conclut le film.
Si le fond est correct, la forme est, selon moi, un peu plus discutable. La réalisation reste la plupart du temps assez sobre mais relève quelques fois plus d’un aspect téléfilm ou documentaire, certainement dû à un budget de base pas pharaonique. Mais l’atrocité de l’histoire nous fait presque fermer les yeux sur certaines faiblesses de la mise en scène, et en premier lieu le jeu d’acteur. La prestation de Zabou Breitman dans le rôle de la mère d’Ilan ne m’a pas du tout convaincu, très irrégulière, jamais vraiment dans la nuance et beaucoup trop dans le surjeu à mon goût. Mais il faut aussi y voir des circonstances atténuantes. Le rôle de la mère d’Ilan ayant été accordé en premier lieu à l’excellente Valérie Benguigui, qui a malheureusement dû être hospitalisée d’urgence peu avant le tournage, avant de décéder le premier jour du tournage du film. C’est donc Zabou Breitman qui a été désignée pour la « remplacer » dans ce rôle, avec donc forcément moins de temps de préparation pour travailler son rôle que le reste du casting. Et en se mettant à la place de Zabou Breitman, on peut comprendre la difficulté de reprendre un tel rôle, en le sachant au départ destiné à une actrice défunte. Sans parler du poids de la responsabilité de ce genre de rôle, qui est toujours extrêmement difficile à interpréter quand il s’agit d’adaptation de faits réels, encore plus lorsqu’il s’agit d’un sujet aussi atroce que celui-ci. Donc je la pardonne… Quant au reste du casting, cela passe, malgré un Pascal Elbé trop linéaire dans son jeu qui manque à mon sens cruellement de nuances mais qui a avoué lui aussi avoir été extrêmement déstabilisé par le personnage et le décès de Valérie Benguigui, donc bon, pardonnons-le à lui aussi. Jacques Gamblin reste égal à lui-même, c’est pas comme s’il n’avait jamais jouer le rôle d’un commissaire… J’ai également apprécié le fait que les scènes de torture ont été vraiment limitées, jamais vraiment explicites, pas de scènes gores et que donc le respect de la famille et de la mémoire d’Ilan a été respecté de ce côté-là. Par contre, il aurait pu en être de même sur les effets gratuits de montage. Tout le côté larmoyant, avec la musique, et les effets de ralentis sur la mère d’Ilan en sanglot, ou encore les effets audios sur certaines transitions de plans, on se croyait parfois dans Enquêtes d’action sur W9 alors que franchement le scénario et les faits se suffisaient vraiment à eux-mêmes. J’ai donc trouvé ça assez regrettable, ça ne faisait que desservir le propos du film et la sobriété qu’aurait dû être la réalisation durant tout le film.
Si le fond est donc irréprochable, la forme l’est un peu moins. Mais la charge émotionnelle présente dés le début du film en ayant déjà connaissance de la réalité des faits élimine (presque) tous les défauts apparents du film. Et au final, on reste tout de même touché, choqué et impacté par ce film, criant de vérité. 24 jours condensés en 2h de film, avec des moments difficilement soutenables. Impossible durant le générique de fin de ne pas avoir de pensées pour la famille d’Ilan qui va une nouvelle fois devoir faire face à ce tragique évènement, si médiatique, mais peut-on vraiment se remettre d’une telle situation en tant que mère de famille et proches ? ...Difficile également de se dire que Youssouf Fofana pourrait sortir un jour de prison, puisqu’il a été condamné à perpétuité, avec une peine de 22 ans de sureté, et donc possiblement libérable dés 2030...
A partir de là, je pense que le film a accompli sa mission, celui de ne pas oublier et de rester en alerte...