Mine de rien, si l'on compte tous les films à contenir un "Amityville" dans leurs titres, "The Awakening" est déjà le dix-huitième représentant d'une franchise qui a sombré depuis fort longtemps dans la médiocrité la plus affligeante avec des DTV n'ayant plus grand chose à voir avec l'oeuvre originale ou le livre de Jay Anson.
Après le remake de 2005 produit par Michael Bay et comme son titre l'indique, "The Awakening" devait réveiller la saga sur grand écran dans une époque propice à tous les revivals possibles des classiques de l'épouvante. Comme son collègue Grégory Levasseur avec sa "Pyramide" gênante, cet "Amityville" marque la prise d'indépendance de Frank Khalfoun vis-à-vis d'Alexandre Aja avec lequel il avait collaboré sur ses précédents longs métrages comme "2ème Sous-sol" et l'excellent remake de "Maniac". Seulement, ce qui devait être une de ses premières grandes aventures américaines en solo (avec le DTV "I-Lived") a vite tourné au fiasco. Alors qu'il devait initialement sortir en septembre 2014, "Amityville : The Awakening" sera repoussé à de multiples reprises, entraînant son lot de reshoots et de re-re-(x10)-montages que l'on peut imaginer, pour enfin débarquer dans l'anonymat le plus total sous la forme d'une sortie limitée à quelques salles américaines et surtout une diffusion gratuite sur Google Play en octobre 2017. Autant le dire, même pour le plus aficionado de la franchise initiée par Stuart Rosenberg, ça sentait la purge de première catégorie.
Comme d'habitude, pour la énième fois, une famille emménage dans la bien jolie demeure d'Amityville. Il s'agit, ici, d'une mère (Jennifer Jason Leigh), de ses deux filles (les désormais omniprésentes Bella Thorne et Mckenna Grace) et du frère jumeau de l'aînée plongé dans un profond coma (l'excellent Cameron Monaghan, pourtant muet pendant les 3/4 du film). Alors que son cas semble désespéré, l'adolescent semble redonner des petits signes de vie depuis leur installation à Amityville. Mais, au vu de l'historique de la bâtisse surnommée "la maison du Diable", on peut penser que ce petit miracle ne va pas engendrer que des bonnes choses pour ses proches...
Quelque part dans ce truc complètement foutraque auquel on assiste, il existe un film honnête qui s'appelle "Amityville : The Awakening", pas un grand film d'épouvante certes, mais un long-métrage aux bonnes intentions similaires à la démarche d'un "Ouija 2" par exemple.
Comme a su le faire Mike Flanagan, on décèle dans l'approche du mythe Amityville par Khalfoun une forte caractérisation des personnages afin de mieux les faire grandir dans un contexte où l'épouvante n'est qu'un prétexte à leur évolution. Une mère aveuglée et désespérée par l'état de son fils, une soeur rongée par la culpabilité, des enfants dont l'existence est vampirisée par la condition de leur frère,... Des interactions dramatiques au sein d'en environnement familial disfonctionnel, "Amityville : The Awakening" n'en manque pas et le film en puise d'ailleurs sa principale force dans ses meilleures séquences (ceux des dialogues par ordinateur notamment) en l'inscrivant dans le décor de cette maison diabolique qui, ironiquement, va incarner ses maléfices dans le retour à la vie de ce frère tant espéré par ses proches mais potentiellement très dangereux dans les événements qui suivront. Évidemment, si vous connaissez l'histoire des "Amityville" originaux, la finalité de toute cette histoire ne vous surprendra pas plus que ça mais l'utilisation des éléments mythologiques de la saga trouve toujours une raison d'être dans le sens où ils révèlent et guérissent/punissent les failles de tous les personnages. En passant, Khalfoun construit visuellement quelques incontournables jumpscares classiques mais efficaces où l'ombre difforme du corps du frère ajoute une plus-value non négligeable.
Finalement, si on s'arrêtait là, "Amityville : The Awakening" se serait avéré être une bonne surprise, pas transcendante mais suffisamment bien exécutée pour qu'on ait envie de s'y arrêter. Sauf que la broyeuse hollywoodienne en a décidé autrement...
À l'écran, le produit final que l'on découvre est une espèce de long-métrage que quelqu'un aurait eu l'idée saugrenue de passer en boucle pendant des années dans un hachoir au fonctionnement plus qu'aléatoire. Si la sincérité du propos de Khalfoun subsiste encore ici et là, le tout est noyé dans un enchaînement de séquences dont on peine souvent à comprendre la pertinence. Toutes les scènes sur la vie lycéenne de l'héroïne et de ses amis sont d'une inutilité confondante si ce n'est d'inscrire le film dans une sorte de réalité alternée méta où la saga cinématographique "Amityville" existe tout comme les soi-disant événements dramatiques sur lesquelles elle se base (oui, on n'a pas dit qu'il n'y avait que des bonnes idées non plus), des séquences oniriques dont on devine qu'elles vont invariablement se terminer par le réveil d'un personnage ne semblent avoir été insérées là que pour apporter leur lot de facilités horrifiques à un récit qui s'en passerait amplement et on passe sur la durée plus que fluctuante du passage d'une scène à l'autre (le film peut enchaîner d'une scène de lycée de cinq secondes à une autre familiale bien plus longue et chargée émotionnellement en entrecoupant le tout d'un cauchemar parfaitement vain), ultime preuve d'un montage totalement bordélique. En fait, le seul avantage que le film tire de ce chaos, c'est une espèce d'imprévisibilité totale sur ce qui peut ou non nous attendre dans la séquence suivante malgré une conduite de récit assez linéaire mais, même là, il est impossible d'ignorer les aspects ridicules qu'induit de passer du coq à l'âne en l'espace de quelques secondes (coucou, le chien zombie qui débarque comme une fleur ou le personnage de Jennifer Morrison qui erre dans le film sans but !).
Le pire, c'est que, même avec un tel charcutage, cet "Awakening" se révèle être un des meilleurs épisodes de la saga "Amityville" depuis au moins deux bonnes décennies, c'est dire la qualité du reste. Nous, on aurait quand même préféré découvrir le vrai sympathique film qui se dissimule à l'intérieur plutôt que de l'entrevoir sans cesse. Mais, apparemment, les producteurs hollywoodiens en ont décidé autrement...