Fini l’étudiant enjoué de "L’Auberge espagnole", oublié le trentenaire cynique des "Poupées russes", voici un nouveau Xavier, plus mûr, plus responsable, mais toujours aussi paumé. "Casse-tête chinois" s’ouvre sur la rupture de son couple, là où la superbe fin du volet précédant relatait son commencement ; ce qui en résulte est un mélange de nostalgie, de rancune difficilement contenue et de relents affectifs, montrant ce qui lie encore deux amants après l’échec de leur relation. Les enfants auxquels ils ont donné naissance constituent bien sûr le lien principal, et les rapports entre le père et sa progéniture sont parfaitement dessinés. De même, on retrouve avec plaisir les anciennes amies de Xavier, qui sont aussi celles du spectateur, non sans constater qu’elles ont aussi évolué : Wendy est plus taciturne, Martine moins crispante et Isabelle un brin dépressive – même si cette dernière reste fidèle à elle-même (et non pas à son amoureuse !). Quant à New York, elle est filmée de la même façon que les précédentes villes visitées par Xavier, Klapisch se concentrant plutôt sur les rues méconnues et les quartiers atypiques, évitant en général les lieux emblématiques. Chinatown est d’ailleurs magnifiquement photographiée, de nuit comme de jour, et la lumière qui inonde certaines scènes, telles celle des retrouvailles entre l’écrivain et son père, est d’une folle élégance. L’humour est aussi présent malgré la mélancolie et l’intrigue suffisamment passionnante pour empêcher l’ennui. En somme, "Casse-tête chinois" est un feel-good movie qui n’entrave pas la réflexion et garde une place pour un certain spleen, un très beau film sur le délitement de l’amour, l’inéluctabilité du temps qui passe et la grandeur de la vie, dont la poésie se révèle particulièrement lors des moments les plus anodins. C’est d’ailleurs avec beaucoup de lyrisme dans la bande originale que le réalisateur souligne ces moments de grâce, notamment une conclusion magnifique qui rend évident le fait que Xavier est l’un des personnages les plus attachants du cinéma français et qu’il reste profondément lié à l’acteur Romain Duris. Et si toute l’équipe de "L’Auberge espagnole" n’est pas ici réunie (ce qui aurait pu être un mal quand on se souvient de la relative artificialité du procédé dans "Les Poupées russes"), c’est avec grand plaisir qu’on retrouve ce banal représentant de l’humain moderne et qu’on s’identifie une nouvelle fois avec lui, et ce de tout notre cœur.