CASSE-TETE CHINOIS
Cédric Klapish revient une nouvelle fois à sa fresque sur la vie avec la suite des aventures de son alter-égo Xavier : on aurait pu croire à la fin des "Poupées Russes" que ce dernier avait enfin trouvé l’amour et la stabilité avec Wendy, mais il n’en ait rien !! La charmante anglaise demande le divorce et part s’installer avec son nouveau conjoint à New-York avec leurs enfants : la vie de Xavier se complique encore une fois de plus ! Mais en tant que père aimant, il part pour les USA afin d’être aux côtés de sa fille et son fils. Une nouvelle fois, Klapish mets le doigt sur les interrogations de son héros sur cette nouvelle étape de sa vie (étapes qui fonctionnent par dizaine : la vingtaine pour "L’ Auberge Espagnole", la trentaine pour "Les Poupées Russes" et la quarantaine cette fois-ci). La principale mise en demeure du scénario est l’enfer du train-train quotidien : une fois marié, on s’engage dans la réussite professionnelle, puis on fait des enfants et on finit par se contenter de ce doux cocon protecteur, se laissant phagocyter par une sorte d’embourgeoisement malsain. Et il n’y a pas que Xavier qui se retrouve piégé dans ce contexte, tous ces proches y ont droit aussi : si notre héros est passé du statut de révélation littéraire à celui du nouveau Marc Levy à la mode dont tous les critiques bobos parigots sont friands, Wendy est devenu une femme moderne désireuse de confort et de luxe, l’hippie altermondialiste qu’était Martine s’est transformée en une working girl BCBG, et même l’extravagante lesbienne rock’n’roll Isabelle s’est fourvoyée en devenant une trader habitant Brooklyn doublé d’une une cougar adultère à l’appétit insatiable !! Mais au final, seul Xavier semble se rend compte de cette situation : l’horloge de la vie poursuit son chemin à toute vitesse et , à quarante ans révolus, il prend conscience qu'il est toujours en retard. Sa seule chance de reprendre le cours du destin est de trouver sa place tant qu’homme, en tant que père et même en temps que fils !! Et, en essayant de reprendre le contrôle, il va se replonger dans le joyeux bordel qu’il avait connu à son adolescence à Barcelone où toute tentative d’amélioration se soldait directement par l'avènement d’un nouveau problème. Et, en toute sincérité, c’est ce qui fait tout le charme de cette incroyable saga commencée il y a 11 ans !! On se laisse donc une nouvelle fois emporter dans cette joyeuse aventure qui, tout en étant ancré dans la réalité et abordant des sujets contemporains difficiles (divorce, homoparentalité, famille recomposée, mondialisation, immigration, mariage blanc, travail clandestin), continue à nous faire espérer, à croire en la vie et qu’il vaut mieux la vivre que de la subir. Cette fois-ci encore on peut saluer la juste interprétation des quatre acteurs principaux qui demeurent l’essence même de la trilogie, à savoir Romain Duris, Audrey Tautou, Cécile de France et Kelly Reilly. On pourra ajouter la prestation impressionnante et authentique de Pablo Mugnier-Jacob dans le rôle de Tom, le fils de Xavier, qui s’avère être un personnage important dans la quête de notre héros.
Klapish réussit avec "Casse-Tête Chinois" à nous proposer une suite logique à ses prédécesseurs ainsi qu’une fin parfaite. Oui, car je pense que pour moi Xavier a atteint enfin l’âge de raison et je ne vois pas spécialement l’intérêt de faire un quatrième film sur la cinquantaine et ce pour deux raisons : tout d’abord d’un point de vue scénario, que raconter de plus ? (le démon de midi ?, Xavier découvrant son homosexualité ?, les problèmes d’adolescence des enfants : l’addiction au shit de son fils ou la prostitution de sa fille ? Xavier qui a une maladie incurable ?) ; puis, du point de vue du titre, il va falloir chercher dur pour ne pas pondre un truc ridicule (non mais, vous imaginez sortir au ciné "L’ Assiette Anglaise", "Tête de Turc", "Omelette Norvégienne", "Les Dieux Grecs", "La File Indienne", "Douche Écossaise, "Le Téléphone Arabe" ou encore "Les Allumettes Suédoises" ?!!). Non je crois qu’il faut se contenter de cette très bonne trilogie que forment "L’ Auberge Espagnole", "Les Poupées Russes" et "Casse-Tête Chinois" avant de sombrer dans l’habituel travers des suites à répétition sans intérêts. En tout cas. Merci beaucoup Monsieur Klapish pour cette magnifique saga, unique en son genre au sein du cinéma français