Une histoire d'amour où l'on n'en parle quasiment pas (sauf par correspondance), où on ne le fait pas, où le respect dû au supérieur, au mari, à la parole donnée est plus fort que l'emballement des sens, où le temps (10 ans, au moins), n'a aucune prise sur les sentiments (pas plus que l'éloignement géographique), où "Une Promesse" permet de vivre.... Romantisme et pesanteurs sociales. Un film où les non-dits, l'implicite, les regards et les frôlements arrivent à nourrir l'espoir, à transfigurer les êtres... Que l'on est loin de notre époque si exhibitionniste, si voyeuriste, si vulgaire, si prévisible...Le très surprenant Patrice Leconte (qui débuta sa carrière avec "Les Bronzés" !) adapte Zweig (avec Jérôme Tonnerre - coscénariste de 2 de ses films précédents) - "Le Voyage dans le Passé", texte de 1929, publié in extenso en...1976 seulement, plus de 30 ans après le suicide du grand écrivain autrichien. Zweig est un superbe styliste. Leconte réussit à ne pas le trahir, et même à l'honorer, avec une mise en scène classique très soignée, et un cadre épuré (qu'il assure lui-même). La scène est en Allemagne, des abords de la Grande Guerre (1912) à la montée du NSDAP, au début des années 20, après l'humiliation de la défaite - mais si la reconstitution historique est parfaite, l'Histoire reste à la porte de la vaste demeure où la passion naît entre Lotte, 30 ans et Friederich, plus jeune de quelques années - la première étant l'épouse du riche sidérurgiste (sexagénaire, et malade) qui a donné sa chance au second, brillant orphelin... Zweig était un incurable pessimiste - ce "Voyage dans le Passé" avait donc une fin désenchantée que Leconte a modifiée. Sans trahir pour autant le message du roman. On regrettera seulement que le cinéaste français, qui réalisait pour la première fois dans une langue étrangère, ait renoncé à tourner en allemand, avec des germanophones, préférant l'anglais et des acteurs britanniques, pour cause de plus grande aisance personnelle. Cela étant, son film est magnifique - délicat, élégant, intemporel. Avec un trio d'acteurs impeccables : Rebecca Hall, Richard Madden et Alan Rickman - en distinguant particulièrement ce dernier, au jeu extrêmement subtil (le mari). Un cinéma qui se démarque opportunément de la médiocrité caractérisant le gros de la troupe en matière de films, nombrilistes et ronronnants (spécialement hexagonaux).