Moins réussi que le précédent (TARNATION, OFNI d'une fraîcheur éblouissante), dont il constitue une sorte de suite un brin poussive, WALK AWAY RENÉE emporte cependant l'adhésion, parce qu'il constitue, quels que soient ses défauts, un docu intimiste sincère, humain et touchant. En effet, ce film délivre avant tout un message d'amour et d'abnégation (en cela, le qualifier d'opération narcissique ou d'auto-satisfaction semble totalement inapproprié). Moins dense, moins novateur mais aussi moins naïf, ce deuxième opus se laisse savourer pour sa «touche Caouette», à savoir une réalisation plutôt à part, parcourue d'éclats fulgurants parfois inattendus; on navigue entre road-movie réaliste familial et une étonnante réalisation expressionniste, parfois farfelue, éclatante ou surréaliste. Le petit passage à la fête foraine est filmé de manière hallucinante! Jonathan n'élude pas certaines longueurs, en particulier avec la redondance des scènes de recherche infructueuse d'une délivrance de médicaments pour sa mère Renée (devenue dépendante au lithium à cause de nombreux traitements hospitaliers scandaleux, suite à une malheureuse chute du toit, adolescente). Dommage, on n'apprendra rien sur le fonctionnement du financement de l'Assurance Maladie étatsunien. Le cinéaste ne daigne pas en parler, il évite d'ailleurs toute dénonciation et se contente d'observer le réel, au risque de tomber dans un propos trop lisse, bien trop poli, ce qui a de quoi décevoir. Renée prononcera une phrase qui vient éclairer soudainement toute sa dimension mentale
(«mais tu ne sais pas, je suis Peter Pan!»)
. Son délire est bien lourd à porter et voilà que le grand-père, qui finit par perdre la boule, vient s'ajouter au fardeau de cette famille casse-gueule; et pourtant, le défi se trouve bel et bien relevé par un fils dévoué et aimant - mais à quel prix? Depuis 2004, Jonathan a vraiment bouffi, il a perdu son charme (effet du succès, d'un laisser-aller, d'une angoisse mal digérée?), ce qui ne l'empêche pas de se filmer tel quel, sans fard, histoire d'aller jusqu'au bout de l'authenticité. On le voit un peu avec son petit-ami, avec son fils (déjà ado), apparemment si équilibré; on le voit surtout inquiet, lucide, sans doute apaisé mais loin de l'auto-satisfaction. Un passage psychédélique à FX, tonitruant
(un vortex multi-dimensionnel reliant deux univers, ou plutôt deux galaxies)
, résonne comme une sorte de révélation. Relié à sa mère après une phase adoptive tumultueuse, Jonathan n'a pas pu couper le cordon, passé en sens inverse. Toutefois, le titre annonce un envoi, un espoir, après la douleur d'un parcours assez pénible. W.A.R. (c'est aussi une guerre personnelle!) dresse un tableau tout à fait singulier, triste mais non doloriste, parcouru d'éclats visuels et d'une jolie B.O. Le film souffre toutefois de pas mal de lourdeurs: d'une part du fait d'une dimension répétitive (il reparle de son enfance, de son passé, de Tarnation, de sa mère, il recontextualise trop) et d'autre part en raison d'une certaine fadeur de propos, greffée sur un état crypto-dépressif. On dirait que l'auteur finit par se complaire dans sa situation. Si sa mère a été abandonnée et intoxiquée, Jonathan finit aussi par s'abandonner à lui-même (sans aller jusqu'au reproche de nombrilisme), dans une spirale intoxicante, une loupe à effet grossissant (au figuré comme au propre). En cela, ce film n'est pas si optimiste qu'il tend à paraître.