C'est la lecture d'un livre qui a poussé Eric Khoo à réaliser Tatsumi. Le cinéaste se remémore son rapport avec l’œuvre de Yoshihiro Tatsumi : "J’étais un grand fan des histoires courtes de Yoshihiro Tatsumi il y a plus de vingt ans, et j’ai été submergé par la lecture de son autobiographie de 800 pages, "Une vie à la dérive". L’histoire de sa vie m’a beaucoup inspiré. J’ai été extrêmement bouleversé par l’amour et la passion qu’il a pour son métier, et par les tribulations qu’il a dû subir pour pouvoir l’exercer."
Le film Tatsumi est composé de cinq histoires courtes : L'Enfer, Monkey mon amour, Juste un homme, Occupé, et Good bye. En plus de transposer à l'écran l’œuvre de Yoshihiro Tatsumi, le film s’intéresse à la vie de ce célèbre mangaka né en 1935, qui a popularisé le style gekiga (les "dessins dramatiques", des mangas aux thèmes plus adultes).
Le réalisateur Eric Khoo se souvient de sa rencontre avec Yoshihiro Tatsumi, un moment qui a déterminé le destin du film : "Lorsque je suis allé au Japon pour rencontrer M. Tatsumi, notre premier rendez-vous a eu lieu dans le sous-sol d’un vieux coffeeshop. On s’était arrangé pour qu’il voie mes films avant de me rencontrer, et j’étais content quand il m’a dit qu’il se reconnaissait dans mes films et leurs personnages. Mais je pense que ce qui l’a mis encore plus à l’aise avec moi, c’est quand je lui ai montré que je savais dessiner. J’avais illustré la façon dont j’envisageais de construire le film. Nous avons passé plus de trois heures ensemble, et il a fini par me donner le feu vert pour faire le film", précise-t-il.
Qui choisir pour conter la vie de Yoshihiro Tatsumi ? Le réalisateur Eric Khoo répond à cette question : "Je voulais que M. Tatsumi fasse le narrateur pour les chapitres sur sa vie. Je sentais que cela donnerait plus de sens au film et qu’on pourrait ainsi entendre parler son cœur. C’est un homme très timide et très humble, et il a vraiment fallu le harceler pour qu’il accepte", raconte-t-il.
Eric Khoo et le directeur de l'animation Phil Mitchell se sont efforcés de rester le plus respectueux possible des dessins de Yoshihiro Tatsumi. Le réalisateur décrit le processus : "Je voulais que le film ait à la fois un charme un peu vieillot, mais qu’il propose aussi un côté frais dans le monde de l’animation. Je voulais que l’histoire de sa vie soit racontée dans des couleurs vives, et que ses histoires courtes revêtent des couleurs individuelles inspirées de la technique japonaise du one-colour printing. Nous demandions des directives à M. Tatsumi à chaque fois que nous étions bloqués - jusqu’à la couleur du train qu’il prenait quand il était enfant."
C'est le fils du réalisateur, Christopher Khoo, âgé de 13 ans, qui a composé le thème principal du film Tatsumi, ainsi que la musique pour les passages biographiques. Christine Sham s'est quant à elle occupée du réarrangement et des musiques accompagnant les histoires courtes.
Lors de son passage au Festival de Cannes 2011 (dans la sélection "Un Certain Regard"), Tatsumi a été nommé quatre fois : pour le Prix Un Certain Regard, pour le Prix du Jury Œcuménique (mention spéciale), pour le Prix de la mise en scène et pour le Prix du Jury.
Le film Tatsumi est le candidat officiel de Singapour pour l'édition 2012 des Oscars, dans la catégorie Meilleur film étranger.
Le réalisateur Eric Khoo n'exclut pas de revenir dans l'univers de Yoshihiro Tatsumi, car il reste encore beaucoup de ses histoires courtes à adapter : "C’est dommage qu’on n’ait pas pu toutes les inclure dans le film. Mais ça n’était pas possible dans un film de moins de 100 minutes. Si je suis amené à faire un autre film d’animation, il traitera des autres histoires courtes de M. Tatsumi, celles que je n’ai pas pu insérer dans Tatsumi", explique le metteur en scène.