Trois ans après « Un été avec Coo », Keiichi Hara est de retour avec « Colorful », oeuvre aussi séduisante par moments qu’elle est agaçante à d’autres. On y retrouve d’emblée un univers très personnel, celui d’un réalisateur doué pour le fantastique, comme en témoigne une introduction aussi étonnante qu’envoûtante mettant en scène l’au-delà. Celui-ci nous apparaît comme un endroit mystérieux et intrigant, d’où surgit le personnage de Pura-Pura, ange-gardien vif et malicieux, apportant une touche de gaieté totalement inattendue. Ce préambule laisse augurer le meilleur pour la suite, et nous ne serons d’ailleurs jamais déçus de ce point de vue tant le merveilleux constituera l’une des forces du film. Cette idée de la seconde chance offerte après la mort à un adolescent qui vient d’essayer de se suicider et son regard nouveau porté sur le monde et le dénouement, poétique à souhait, sont les bienvenus ; ils apportent une âme, une chaleur, une émotion et même un humour permettant au film de se démarquer du tout-venant. Malheureusement, plus proche du rythme contemplatif d’un Mizoguchi que d’un Miyazaki, le long-métrage souffre d’une lenteur qui nous fait parfois décrocher. Le montage, au milieu de quelques fulgurances et plusieurs scènes très réussies, aurait gagné à être resserré. La faute aussi à une approche psychologique à peine convaincante, notamment lorsqu’il s’agit de nous faire plonger dans le quotidien répétitif de la famille du héros, le jeune Makoto. Que ce soit son frère, son père ou sa mère, chacun manque cruellement de personnalité, ce qui rend tout relationnel avec ce dernier poussif et fade. C’est d’autant plus regrettable que l’adolescent lui-même échoue à provoquer toute empathie. Personnage intrinsèquement énervant durant près d’une heure et demie, Makoto n’évolue positivement que sur le tard. Son voyage vers un regain d’humanité est tardif et brutal, laissant peu de place à l’émotion ainsi qu'à une réelle identification avec sa personnalité. Le film peut heureusement compter sur quelques beaux personnages : Saotome, l’ami de classe, patient et généreux, apporte une vraie touche de sensibilité à l’oeuvre, tandis que la belle Hiroka et son étonnant secret, à l’origine sans doute de la plus belle scène du film, donne à l’ensemble une maturité aussi réelle qu’inattendue. Grâce à eux, le manga gagne en substance et en profondeur, preuve de l’importance souvent mésestimée et pourtant essentiel des rôles secondaires. Du coup, il y a à boire et à manger devant ce spectacle par ailleurs très élégant d’un point de vue technique (les couleurs pastel chaleureuses alternent harmonieusement avec des teintes plus sombres, représentatives du quotidien de l’adolescent). S’il ravira les amateurs de fantastique et ceux qui chérissent les belles histoires sur l’adolescence (la façon dont traite Hara l’univers du lycée est un régal), il laissera ceux ayant besoin de rythme et d'un protagoniste principal attachant sur leur faim.