Je suis très attristé de voir le mauvais démarrage de "FURIOSA A MAD MAX SAGA" au box-office. George Miller a remis le couvert pour un sans-faute. Que ce cinéma existe me semble être un miracle, que de mauvais signaux financiers puissent enterrer le peu de créativité que cette époque permet, dévorée par l'appétit d'ogre des actionnaires, me désole.
Si ce film bide, George Miller ne pourra pas réaliser le prochain : THE WASTELAND.
"On a juste envie de croiser les doigts très forts pour que George Miller puisse poursuivre son œuvre démiurge et réitérer l’exploit de sauver la mort lente et inquiétante des superproductions hollywoodiennes".
Je ne pense pas avoir tort de penser, qu'au-delà de la malédiction des préquels, un concept narratif, rarement pertinent, qui tend à moins intéresser le public, il y'a sans doute l'effet du backlash réactionnaire et masculiniste actuel, un film sur un personnage féminin, de la saga Mad Max, mais sans Max, je redoute que bien des crétins puissent s'empêchent d'aller le voir, préférant démonter un film qu'ils n'ont pas vu sur Twitter.
Les plateformes de streamings, c'est la neuroscience contre l'utilisateur, au cœur du marché de l'attention, dont le but est de déposséder l'utilisateur de son temps de conscience, de son temps de vie, et de marteler du prêt-à-consommer à peine divertissant, qui presse le bouton de dopamine pour un effet de courte durée, le préalable à la dépression, à la manière d'une digestion de McDo. Les mêmes mécaniques addictives qu'un vulgaire jeu à micro-transaction généré procéduralement, avec loot éternel et récompense aléatoire.
George Miller, à nouveau, propose une expérience intégrale, folle, ambitieuse, aux confins largement repoussés du spectaculaire. Je fus bien incapable de savoir si ce que je regardais était vrai ou synthétique.
Qu'est-ce qui relève de l'exploit de cascadeurs fous ? Qu'est-ce qui relève du génie numérique qui vient complémenter une mise en scène ciselé et plus généreuse que le cumul de tous les films d'action que je ne regarde pas (soyons honnête) ?
Aucune idée, la seule chose dont j'ai témoigné, c'est la maîtrise, la cohérence, le brio, la fougue, la tension, le suspense, la densité, l'excitation. C'est juste tout ce dont doit rêver un spectateur quand il se rend en salle.
Les coutumes et traditions de cet univers de fiction respirent à travers l'écran, la somme de détails qui disent des chapitres entiers que l'on dédierait à l'installation de décorums renvoie Villeneuve à son statut de publicitaire fade, gris, désenchanté, sans âme, à son instinct de fuir la magie.
Le "lore" du premier était tellement riche, par les détails, par le "world-building", que Miller n'avait plus qu'à étendre et raconter ce qu'il avait mis en toile du fond de Fury Road. Il y'a dans chaque minute de FURIOSA plus d'ingéniosité, d'idées stimulantes, de proposition artistique et créative, qu'il n'y en a, en 5H20 de Dune.
Comparaison n'est pas raison, bien que l'on parle de deux œuvres de science-fiction aux allégories et aux discours semblables sur notre monde et dont le cadre est celui d'une planète brûlante inhospitalière et inhabitable. Je compare pas Dune et Furiosa, je compare la vision morne, inhabitée, molle et sans incarnation de Villeneuve avec celle d'un réalisateur qui ne cherche pas à faire un produit, mais qui fait de l'art, à la manière d'un rockeur possédé.
FURY ROAD était un brûlot intense, dont le scénario tient sur un ticket de métro, ultra-cohérent et structuré, avec un fond puissant et opulent, à peine dissimulé par son apparente simplicité.
FURIOSA le complète en développant la toile de fond qu'était l'univers de FR, on passe d'un film sur le mouvement à un film sur l'ancrage, qui cartographie le passé, le futur, au croisement de la philosophie, de la politique, des questionnements fondamentaux et de la nature humaine dans le contexte de sa survie.
Anna Taylor-Joy est absolument parfaite, Chris Hemsworth compose un rôle unique et jouissif qui le rend méconnaissable, les costumes surannés de série B, l’esthétique synthétique, l’accessoirie folle de réalisme, le génie mécanique...l'humour! C'est tellement beau et naturel qu'on ne sait plus si les gamelles de cascadeurs furent écrites ou simplement gardées au montage.
C'est un film qui n'est pas nécessaire parce qu'on arrive à ce que l'on connaît déjà, et que raconter le passé d'un truc dont on connaît déjà la direction, c'est pas indispensable, c'est justement ce qui est génial, le film n'a pas particulièrement de truc à raconter, il se contente de peindre une fresque avec maestria, une fresque d'une beauté inouïe, d'une lucidité hors norme, d'une cruauté perspicace et d'un humanisme féministe & post-fasciste. L'art EST, sans raison d'être. Il émane, point.
"L'arc narratif de Furiosa, c'est celui d'un petit ange plein de ressources qui perd sa maman puis qui devient une guerrière qui choisit la vengeance et qui condamne son âme en épousant la violence de ses bourreaux"
, puis, incapable d'outrepasser son deuil et son chagrin, s'orientera vers la rédemption dans Fury Road, en mettant sa force aux services des femmes d'Immortan Joe et de leur libération.
On pourrait citer des idées lugubres et "jouissives" par dizaines, mais pour n'en citer qu'une : un vieux couple qui vit terré dans un terrier pour se protéger du soleil et qui se nourrit d'asticots qu'ils font fleurir sur de la chaire pourrie...post-apocalyptique AT ITS FINEST.
La course poursuite éternelle, un monde ou il n'est pas possible de fuir la violence. En rien une œuvre de fiction finalement.
En revanche :
Le film n'a aucune raison d'être noté RATED-R. J'ai lu qu'il était beaucoup plus gore que le premier...mwè...j'invite les gens à re-mater "Immortan Joe" se faire brutalement arracher le visage dans Fury Road. Y'a du châtiment, de la cruauté, de la torture, mais toujours filmé pudiquement.
ENFIN :
Les scènes d'actions...Du papier à musique, du travail d'orfèvre, qui repousse loin les limites de ce qui me semblait envisageable à l'écran. Absolument démentes, bien longues, jamais ennuyeuses, hyper-découpées, des chorégraphies ou des dizaines de danseurs sont des véhicules qui tournoient à la vitesse des météores.
Du fun, de la profondeur, du génie, du kitsch, du lore, de l'auto-citation apprécié...cerise sur le gâteau, pas de bande-son générique, de violonnades interchangeables, sans thèmes, aucune goutte de la pisse d'Hans Zimmer. Des tambours et des vrombissements de moteurs. Aucune orchestre symphonique ou 60 instruments joue la même parto de merde à l'unisson pour nous sortir du film.
Il faut aller voir ce film, il faut même retourner le voir.
PS : ANNA TAYLOR-JOY est au firmament de l'acting.