Le titre, Enfance clandestine, donne parfaitement le ton du film. Dès le début, le spectateur est pris dans ce tourbillon qui caractérise la vie de Juan, jeune garçon de 10 ans: ses parents étant des résistants de premier ordre à la dictature militaire qui s'est installée en Argentine ne 1979, il vit sous la menace constante de voir un jour ses parents disparaître. Afin de mieux rester dissimulé, il prend une nouvelle identité, un nouveau passeport, une nouvelle vie qui lui est illusoire met qu'il doit assimiler pour mieux masquer ses accointances passées. Ce qui est intéressant, c'est que le réalisateur s'attache à garder un fil conducteur tout le long du film: on voit ce que voit l'enfant. On ressent ce qu'il ressent, à la fois au sein de son petit monde qu'il sait éphémère (l'école, les amis, la copine), et devant les agissements et discours politiques de sa famille. Sur ce dernier point, ne vous attendez pas à plonger dans un débat politique sur fond révolutionnaire: bien au contraire, le réalisateur parvient à bien nous faire voir que l'enfant n'est que très peu concerné par les convictions des parents, ou du moins n'y comprend-il pas grand chose. Il insiste également sur le conflit qu'il existe entre militantisme, engagement politique et vie affective. Et un choix qui éclate au grand jour au coeur même du film, et à travers le personnage de Charo: donne-t-on la priorité à ses convictions, ou à ses sentiments?
La priorité de Juan, c'est clairement de trouver une stabilité dans son identité, qu'il essaye de se construire chaque jour. Son oncle, interprété par l'excellent Ernesto Alterio, l'aide insidieusement dans cette quête qu'il semble être le seul à en comprendre l'importance. Personnage extrêmement attachant, l'oncle contraste avec le reste de la famille. Les parents de Juan sont tellement engagés qu'ils en oublient le bien-être de leurs proches; pour eux, la fin de la mission qu'ils poursuivent est suffisamment noble pour éluder toute considération émotive ou passionnelle. Natalia Oreiro est resplendissante et parfaite. La mise en scène scrupuleusement judicieuse. Les gros plans s'enchaînent, ainsi que la luminosité tantôt tamisée, tantôt d'un vert mystique, tantôt solaire. La réalisation porte le film à bout de bras en alliant émotion, suspense, et poésie. Le scénario trouve le juste milieu entre l'histoire romantique et familiale et la trame historico-politique. J'ai beau chercher quelque chose à reprocher à ce film, je ne trouve rien qui vaille...Les enfants ne sont certes pas à la hauteur de la qualité d'ensemble, mais peut-on vraiment appeler cela une faille, tant il est difficile de dénicher de jeunes acteurs assez matures pour de tels rôles? C'est clairement un coup de coeur, peut-être même un chef d'oeuvre.