Après Canine, Lanthimos revient avec Alps, un film tout aussi saisissant et perturbant, rappelant que le cinéma grec existe toujours, malgré la crise et les difficultés qu'eut Lanthimos pour tourner son film. Dans Canine, l'un des personnages souhaitait fuir la vie trompeuse imposée par le carcan familial pour rejoindre la réalité, l'extérieur. Avec Alps, la scène est plus ouverte, et se déroule dans différents cadres. L'un des personnages suit le schéma inverse à celui de Canine, c'est-à-dire qu'elle veut fuir la réalité pour s'inventer de nouvelles vies. "Alpes", groupe qui remplace des morts dans des familles afin de mieux accepter le deuil, lui donne les moyens de réaliser ces pulsions. Après un début digne d'un grand thriller, puis un léger essoufflement, le film semble s'engager vers une confusion entre la réalité et le jeu, à tel point que le spectateur ne sait plus où il est : hélas, cette direction est vite remplacée par la crise existentielle de l'infirmière - comme dans Canine, les personnages n'ont pas de noms, mais des pseudonymes, ce sont des individus lambda qui évoluent dans un monde actuel à la lisière entre la dénaturation et l'incongru. Dans Alps, il n'y a ni photographies ni vidéos. Si Alps ressemble entre de nombreux points à Canine, dans la réalisation ou les clins d’œil au monde de l'art, il est moins efficace que ce dernier. Toutefois, la fin est tout aussi extraordinaire que celle de Canine. Même si dans un genre différent, les deux se rejoignent en leur abstraction et leur ouverture. Lanthimos le dit très justement, ces fins ne disent pas quelque chose du film, mais du spectateur, de sa personnalité, s'il est optimiste ou pessimiste. Deux choses restent regrettables à propos du paratexte de Alps. D'une, autant Canine n'avait pas subi trop d'exégèses, ce qui le rendait tout aussi puissant et mystérieux, autant Alps se voit affublé de commentaires et d'analyses plus pointilleuses et ennuyeuses les unes que les autres, ce qui révèle plutôt ses failles. De deux, il est regrettable de voir le sort qui est fait à Alps en terme de diffusion en France : très peu de cinémas le présentent, les sous-titres recèlent de fautes d'orthographe, et le titre semble inachevé, resté sous sa forme anglaise, quand on avait Kynodontas / Dogtooth / Canine, on a simplement Alpeis / Alps.