À l’occasion de la sortie du "Gang des bois du temple", le "Grand Action" a la bonne idée de reprogrammer les précédents films de Rabah Ameur-Zaïmeche. C’est l’occasion, si vous ne l’avez pas vu, de découvrir "Histoire de Judas", qui compte au nombre des films préférés d’une personne qui m’est chère, ou de voir, comme j’en ai eu l’occasion, ses autres films.
"Dernier Maquis" est le dernier film d’une trilogie sur la banlieue, ouverte en 2002 par "Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ?" et poursuivie en 2006 par "Bled number one". Son action se déroule dans une petite entreprise dirigée par Mao, interprété par Rabah Ahmeur-Zaïmeche en personne. Feignant la proximité avec ses employés, Mao ouvre pour eux une salle de prières où ils peuvent exercer leur culte et se choisir un imam. Mais ce libéralisme cache en fait un comportement plus sournois.
"Les Chants de Mandrin" est à première vue un film radicalement différent, dans le temps et dans l’espace. Il se déroule au milieu du XVIIIème siècle, dans les Causses où les compagnons de Mandrin, un bandit de grand chemin capturé et roué vif à Valence en 1755, poursuivent tant bien que mal l’œuvre de leur chef et font publier par un éditeur clandestin ses écrits révolutionnaires.
Pour autant, les deux films présentent une réelle unité. Au premier chef à cause de la même bande d’acteurs qu’ils font tourner : des amateurs, proches du réalisateur et qui font, pour certains, partie de sa propre famille. Le résultat est assez déconcertant, surtout quand il s’agit de demander à des Français d’origine maghrébine d’interpréter des bandits de grand chemin du XVIIIème siècle.
Au-delà des différences historiques et géographiques, ce qui intéresse R.A.Z. ce sont les mêmes prolétaires – même si l’expression est anachronique pour désigner des bandits de grand chemin au dix-huitième siècle. Des gens de peu qui se battent pour défendre un idéal ou, à tout le moins leur dignité. J’ai trouvé particulièrement intéressant dans "Dernier Maquis" la place occupée par la religion, opium des peuples, utilisée par Mao pour endormir ses employés. Au contraire, dans "Les Chants de Mandrin", je regrette qu’on n’en sache pas plus sur l’idéologie défendue par Mandrin dont seule la veine poétique de ses "Chants" est évoquée.
Enfin et peut-être surtout, c’est la même façon de tourner qu’on retrouve d’un film à l’autre, dans les films de R.A.Z. Elle détonne de celle à laquelle on est aujourd’hui habitué, dans des films millimétrés où rien n’est laissé au hasard. Au contraire, chez R.A.Z, la caméra s’attarde sur des détails insignifiants, le scénario se fait la malle, offrant par exemple au beau milieu de "Dernier maquis", comme dans cette scène bucolique où Géant (Sylvain Roume) libère un ragondin, une échappée belle. Seul défaut que je reproche à "Dernier Maquis" : sa fin bâclée.